Après le Super Bowl 2023, le football américain a de nouveau démontré sa popularité et sa puissance médiatico-économique. Cependant lui et sa ligue, la NFL, ont du mal à devenir une référence sportive à l’échelle mondiale malgré plusieurs tentatives allant dans ce sens.

Avec ses règles originales, le football américain s’est imposé comme une référence sportive aux Etats-Unis depuis la création de la NFL (d’abord son ancêtre la APFA) en 2020. Crédit photo : Pixabay
Les fans de Rihanna et les initiés du Foot US étaient devant leur écran le 13 février dernier pour l’un des plus grand événement mondial de l’année : le célébrissime Super Bowl, cette année disputé à Glendale dans l’Arizona. Sans revenir sur la victoire contestée des Chiefs de Kansas City face aux Eagles de Philadelphie (38-35), ni sur le show de la mi-temps assuré par la chanteuse barbadienne, il faut dire un mot de ce qu’est le football américain et sur son environnement avant de parler d’une exportation hors des Etats-Unis.
Les règles et l’histoire Foot US
Pour être synthétique sans être imprécis : le football américain est un sport de « gagne-terrain ». Le but est d’avancer sur le “field” pour atteindre la ”end-zone” (le camp adverse). Pour cela, les équipes doivent progresser de 10 yards (9,1 m) en un maximum de 4 phases de jeu. Si le contrat des 10 yards est rempli, l’équipe le reconduit jusqu’à entrer dans la “end-zone” de l’adversaire afin de faire “Touchdown”. Au total, les équipes doivent parcourir 100 yards. Ça, c’est le but principal du jeu. Un touchdown vaut 6 points et peut en valoir 7 ou 8 selon la transformation. Même si la comparaison est simpliste, on peut y voir des liens avec une sorte de rugby, où il est possible de jouer vers l’avant. Voilà en somme les règles du jeu. Elles sont complexes sur bien des aspects et demandent un certain attrait pour ce sport afin de les faire siennes. Pas facile d’assimiler, à grande échelle, de nouveaux principes de jeu quand, en Europe, les sports majeurs sont installés depuis des décennies.
Comme l’indique son nom, le football américain a été créé aux Etats-Unis en 1892. Il est dérivé du rugby et du soccer (le nom américain du football). On ne va pas rentrer dans les détails de la création et des balbutiements, mais revenons directement sur une date : 1920. L’année marque la création du championnat majeur de football américain. Quatre équipes de l’Ohio se regroupent alors pour former l’embryon du géant sportif qu’est aujourd’hui la NFL. Actuellement ce sont 32 franchises regroupant chacune entre 50 et 70 joueurs professionnels, ce sont aussi des rentrées d’argent exceptionnelles. Les revenus liés à la diffusion TV du championnat sont supérieurs à 10 milliards d’euros annuels. A titre de comparaison, c’est 16 fois plus que la Ligue 1 de football français, ou encore 5 fois plus que la Premier League (le championnat de football le plus suivi). La NFL est un empire financier à part entière. Il possède un système de ligue fermée. Personne ne peut en être évincé sportivement. Ce principe fait que l’argent ne se perd pas et reste dans la boucle du championnat.
Ce système est largement décrié en Europe. L’exemple le plus criant étant le rejet en bloc du projet de Superleague fermée entre les plus grands clubs de football en 2021. L’importance du mérite sportif peut expliquer la difficulté de la NFL à s’implanter sur le sol européen. Cet écosystème est donc florissant et permet donc l’émergence de joueurs superstars.
Le sport phare des USA
La NFL est un championnat connu pour ses grands champions et pour son caractère “star-system”. On ne retient bien souvent que le nom du plus célèbre des joueurs ayant enfilé le maillot de telle ou telle équipe. En Europe et a fortiori en France, seuls Tom Brady et O.J. Simpson sont connus du grand public. Le second pas forcément pour ses qualités de sportif, puisqu’il est au cœur de l’une des affaires de meurtre les plus médiatisées des Etats-Unis (100 millions de téléspectateurs ont suivi l’annonce du verdict du tribunal, qui a innocenté le sportif). À part ces deux joueurs, l’exportation de noms clinquants ne s’est pas encore bien réalisée. Si aux USA, Joe Burrow, les frères Kelce, Jalen Hurts, Juju Smith-Schuster ou encore Patrick Mahomes sont des idoles, il faut constater qu’ailleurs les stars du basket et de la NBA sont plus reconnues.
Néanmoins, si la cousine de la NFL est assimilée à la plus grande ligue sportive du monde, elle doit s’incliner devant la NFL lors des événements majeurs. Pour se donner un ordre d’idée : les six matchs des finales NBA 2022 entre les Golden State Warriors et les Boston Celtics ont été suivis, en moyenne, par 12,4 millions de téléspectateurs, avec un pic lors du sixième et dernier match à 14 millions. De son côté, le Super Bowl 2022, opposant les Cincinnati Bengals aux Los Angeles Rams a réuni plus de 100 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis. C’est environ dix fois plus ! Un peu moins d’un tiers des Américains ont regardé ce match. C’est absolument colossal. On peut donc se dire que ce sport est extrêmement paradoxal. Il génère un engouement majeur et extrêmement puissant chaque deuxième semaine de février, mais assez étonnamment, il ne traverse que très peu l’Atlantique et n’est pas une référence de sport comme les autres “sports US” sur les autres continents comme peuvent l’être le basket ou même le hockey sur glace dans une certaine mesure.
Une volonté d’exportation
Le Foot US n’est pas le fruit d’une secte fermée ne cherchant pas à être intégrée à l’écosystème sportif mondial. Preuve en est, la diffusion s’est ouverte au monde entier. En France, Canal + proposait sur ses antennes le Super Bowl dès 1985. Le phénomène d’ouverture n’est donc pas nouveau. Aujourd’hui, La Chaîne l’Équipe ainsi que BeIn Sport se partagent la diffusion de la ligne américaine. L’expérience en dehors des Etats-Unis n’a pas été que télévisuelle.
La compétition elle-même s’est exportée. Depuis 2007, des matchs de saison régulière se jouent en dehors du territoire américain, à savoir à Londres, Mexico et Munich pour l’instant. Sur la saison 2022-2023, ce ne sont pas moins de 5 matchs qui ont été délocalisés. A titre de comparaison, en NBA, il n’y en a eu que deux cette saison. Un à Mexico et un autre à Paris. Pour aller plus loin, il y a même eu une NFL Europa. Un championnat organisé par la NFL se déroulant en Europe s’est tenu entre 1995 et 2007 après une tentative infructueuse de championnat transatlantique en 1991 et 1992. Cette ligue rassemblait les 9 meilleures équipes du Vieux Continent aboutissant à la fin de saison à un World Bowl, l’équivalent du Super Bowl. La NFL a finalement arrêté la tenue de ce championnat en 2007, préférant délocaliser des rencontres de la grande ligue en Europe et ainsi montrer le plus haut niveau sur le Vieux Continent.
Un renouveau en Europe
Mais ça n’a pas été la fin du foot US en Europe. Pas du tout même. Depuis 2020, il existe une European League of Football. Elle regroupe 17 équipes réparties en Allemagne (8), Pologne (1), Espagne (1), Autriche (2), Italie (1), Suisse (1), Hongrie (1), République Tchèque (1) et France (1).
Ce nouveau projet de ligue est ambitieux. Son extension dans de nouveaux pays et notamment la France est un atout mis en avant par le commissionnaire (président) de la ligue européenne, Patrick Esume. Il a déclaré dans une allocation de pré-saison adressée aux nouvelles équipes intégrant le championnat : “Après l’Allemagne, l’Espagne et la Pologne, l’Autriche et la Turquie nous avaient rejoints lors de la deuxième année. Pour la troisième saison, l’Italie, la Suisse, la Hongrie, la France et la République Tchèque vont nous rejoindre. Nous avions prévu 16 équipes, mais l’intérêt pour rejoindre l’ELF est grandissant.”
“Nous devons battre le fer tant qu’il est chaud.” – Patrick Esume, commissionnaire de la ligue européenne
Cette ligue ne concurrence en rien le grand championnat américain, mais permet de voir que l’attirance pour ce sport est réel en dehors des frontières américaines. Cet intérêt se répercute aussi parmi les licenciés pratiquant le foot US. De 15 000 en 2000, ils étaient déjà plus de 25 000 en 2020 à pratiquer ce sport en France. Bien sûr, nous sommes bien loin des fédérations de football, de tennis ou de judo. Néanmoins, l’évolution est réelle et montre l’intérêt du foot US en France et donc pas uniquement sous l’égide de la NFL du côté des Etats-Unis.
Hugo Guéritaine et Loris Chair
Catégories :Plus Loin
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