Les étudiants originaires de l’Allier ne se comptent pas par milliers dans les grandes écoles. Après le bac, la situation est parfois très inégalitaire entre les différentes populations des territoires français pour avoir la chance d’accéder à des formations prestigieuses. Implantation géographique, origines sociales ou manque d’informations, les raisons sont multiples.

En 2022, ce sont 936 000 lycéens et étudiants qui sont passés par Parcoursup. Photo : Nikolay Georgiev / Pixabay
APB puis Parcoursup, les processus d’orientation post-bac ne cessent d’être critiqués ces dernières années. Système de sélection opaque et complexité de l’analyse des dossiers, l’après-lycée est bien souvent un sujet d’inquiétude pour les étudiants et leur famille. Face à des résultats pourtant bons au baccalauréat, du moins pas foncièrement mauvais vis-à-vis des autres départements français, l’Allier peinent à propulser sa jeunesse dans les grandes écoles.
Comme de nombreux territoires ruraux, l’Allier se caractérise par sa distance avec la capitale et plus largement avec les grandes villes où les grandes écoles ont investi les bâtiments. Une réalité géographique qui induit forcément une inégalité pour les jeunes lycéens ruraux.
Le positionnement géographique en ligne de mire
Pour l’association de l’Allier aux grandes écoles, en charge de lutter contre les inégalités de chance, le positionnement géographique est un des facteurs évidents qui limite l’égalité entre les étudiants français.
Un avis partagé par Elie Guéraut, docteur en sociologie à l’université de Clermont-Ferrand. En s’appuyant sur les données d’admission post-bac, l’ancêtre de Parcousup, sur lesquelles il a beaucoup travaillé, le constat est clair. “Plus on s’éloigne des grandes agglomérations, plus les vœux sont “modestes”. Modestes géographiquement, pas très éloignés de l’endroit où l’on réside, et modestes aussi vis-à-vis de la hiérarchie des filières du supérieur. Il y a moins de vœux vers les grandes écoles. C’est une réalité”, explique le sociologue.
Plus directement, auprès des étudiants, c’est aussi le sentiment qui se dégage. Actuellement en première année d’études supérieures en classe préparatoire de lettres et sciences sociales à Lyon, Léane Madet, 18 ans, encore en terminale au lycée Blaise de Vigenère de Saint-Pourçain-sur-Sioule il y a quelques mois, se souvient très bien de l’orientation de ses anciens camarades. “Je ne pense pas que ce soit par manque d’ambition. Ils sont tout simplement allés à Clermont pour la question géographique. On est vraiment très peu à avoir regardé plus loin. On doit être trois, quatre, à être allé autre part que Clermont.”
L’originale sociale en toile de fond
Mais la sociologie l’a bien démontrée, la géographie n’est pas la principale coupable à pointer du doigt dans cette affaire. Même si les deux s’articulent, l’origine sociale joue un rôle beaucoup plus important dans l’équation. “Ne pas choisir les grandes écoles, c’est d’abord le fait d’origines sociales modestes. Ce sont d’abord les enfants d’ouvriers, d’employés, qui ne choisissent pas les grandes écoles”, constate Elie Guéraut.
“Quand on regarde les vœux, ce sont les enfants de cadres, d’enseignants, de chefs d’entreprises qui candidatent.” – Elie Guéraut, docteur en sociologie
Une logique qui désavantage nécessairement la jeunesse de l’Allier. “La composition sociale des lieux”, comme définit par le sociologue, met en lumière les bâtons dans les roues avec lesquels les lycéens du 03 doivent avancer. “Plus on va dans les espaces ruraux moins la part des cadres et des professions supérieures dans la population active est importante et donc inversement dans les grandes villes.”
Et malheureusement pour tous les lycéens de l’Allier, c’est par les parents et plus largement, la famille que circulent les informations sur les études supérieures. Et quand ses parents sont à l’antithèse de toute la complexité du système académique, des classes préparatoires et autres passerelles vers l’excellence, il devient bien difficile pour un jeune lycéen de se projeter autre part qu’à côté de chez lui.
Couplé à un frein financier qu’il ne faut pas négliger, les classes populaires se retrouvent donc bien souvent en difficulté pour permettre à leur enfant d’envisager les études post-bac dans leur pluralité, avec notamment les filières prestigieuses. Un phénomène d’autocensure, de “sens des limites” selon Elie Guéraut, que l’on ne retrouve pas dans les classes supérieures.
L’école en solution
Mais les trajectoires improbables existent. Preuve en est, le cas de Leane qui n’était pas prédestinée à la “prépa”. Elevée à la ferme en plein cœur de l’Allier, avec un père agriculteur, elle fait partie des quelques cas qui ont réussi à briser ce carcan social. Si sa famille n’avait pas les armes pour l’informer sur les possibilités après son bac, elle est tout de même parvenue à atteindre son objectif.
Un exemple de réussite qu’Elie Guéraut explique par le rôle de l’école qui tente de mettre tout le monde à égalité en comblant le manque d’informations qui subsiste. Même si Leane admet l’importance de ses propres recherches, elle reconnaît aussi l’aide apportée par son lycée. “Mon prof principal m’a assez rapidement parlé des classes prépas. Tout comme l’association qui est venue nous faire une présentation des grandes écoles auxquelles on peut aussi prétendre quand on vient de l’Allier”, relate l’étudiante lyonnaise.
L’association en question, de l’Allier aux grandes écoles, fondée en 2017, a fait de l’information son cheval de bataille. Son président, Antoine Moulai, sait que le combat pour l’égalité des chances passe par là. Pas question de critiquer ou de s’opposer au travail qui est déjà fait dans les lycées pour l’orientation mais “au contraire, travailler avec eux pour apporter une ressource supplémentaire”, précise le président.
Si pour lui, les lycées offrent déjà des ressources d’orientation stables, pour Véronique Oraison, coordinatrice de terminale chargée de l’orientation au lycée Saint-Pierre de Cusset, la situation demeure très variable d’un lycée à un autre. “Il faut laisser des champs d’action aux élèves. Si on leur dit qu’ils seront considérés comme absents s’ils vont aux journées d’immersion, on ne les aide pas. Et c’est ce que font certains établissements”, constate Véronique.
Bien heureusement, Leane, elle, a réussi à jouir de toutes les aides qui pouvaient lui être apportées et a même eu la chance d’être sélectionnée par l’association d’Antoine Moulai pour faire partie des quatre étudiantes ou étudiants de l’Allier à recevoir une bourse de six-mille euros. Un coup de pouce qui lui permet d’ores et déjà d’entrevoir sereinement le futur de ses études.
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