TEMOIGNAGES. Parcoursup : “Si tu n’es pris nulle part, ton avenir est foutu en l’air”

De l’anxiété aux problèmes de transparence, depuis l’année de son ouverture il y a cinq ans, la plateforme Parcoursup n’a de cesse de provoquer la controverse. Que ce soit les enseignants, les étudiants ou les lycéens, tous ont un avis bien tranché sur le logiciel et sur cette période clé du cursus scolaire.

Pour les lycéens, Parcoursup est une étape importante du cursus scolaire, qui peut parfois devenir anxiogène. Photo : energepic.com

Pour les lycéens, Parcoursup est une étape importante du cursus scolaire, qui peut parfois devenir anxiogène. Photo : energepic.com

La période fatidique est enfin arrivée pour les lycéens de terminale. Le 18 janvier 2023, la plateforme Parcoursup a ouvert ses portes aux milliers de futurs étudiants en quête de la formation de leurs rêves. Créé en 2018, Parcoursup est une plateforme web chargée de remplacer son prédécesseur, Admission Post-Bac, dans la gestion des vœux d’affectation des lycéens. De cette initiative du Ministère de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation sont ressortis plusieurs changements tels que la fin du tirage au sort et de la hiérarchisation des vœux, concepts largement décriés. L’année de sa mise en place, le Ministère de l’Enseignement supérieur a par ailleurs annoncé un taux de réussite supérieur aux années précédentes.

Toutefois, malgré ces résultats encourageants, il existe un point noir et non des moindres dans cette réforme. Même si 79% des lycéens ayant reçu au moins une proposition l’ont accepté, il n’est désormais plus possible de savoir si ce vœu leur convient réellement ou s’il s’agit simplement d’une porte de secours au redoublement. Et c’est notamment cette opacité de la plateforme qui est critiquée. Les listes d’attente sans fin et le manque de transparence sur les modalités d’inscription n’ont de cesse de faire paniquer les lycéens et étudiants. Parcoursup étant un algorithme, de nombreuses voix s’élèvent de toute part pour mettre en avant ses défauts et son côté anxiogène, voire même pour réclamer sa suppression pure et simple.

Une plateforme anxiogène avec d’importants problèmes techniques

Quand il s’agit de Parcoursup, Juliette, étudiante en psychologie, a pris l’habitude de sortir les crocs. Leur santé mentale a été mise à rude épreuve par la plateforme et les deux jeunes étudiantes ont un avis bien tranché sur le sujet. Premier élément pointé du doigt ? L’opacité des critères d’admission dans les différentes formations. En cause notamment, le manque d’humanité de la plateforme qui n’accorde pas de réelle importance aux lettres de motivation. “J’ai eu de superbes appréciations en terminale,  mais on s’en fiche. Parcoursup ne regarde pas les appréciations ni les lettres de motivation, c’est un mythe”, s’indigne Juliette. Pourtant, ce qui exaspère le plus les étudiantes, c’est surtout le double discours de leurs professeurs. “Tous les profs parlent de Parcoursup en disant que c’est ce qui va définir notre avenir”, explique l’étudiante en psychologie.

“Pourtant, la première fois que je suis allée sur la plateforme, il y avait un réel décalage entre ce que nous disait le lycée et ce que c’était vraiment” – Juliette, étudiante en psychologie.

L’étudiante clermontoise explique ne pas avoir ressenti de réelle période de stress en complétant ses vœux, mais avoir rapidement déchanté devant les premiers résultats. “Au moment où il y a les résultats, c’est horrible. Si tu es pris direct, c’est la fête à la maison mais si tu n’es pris nulle part, ton avenir est foutu en l’air parce qu’on te rabâche depuis le lycée que Parcoursup c’est ta seule porte de sortie”, témoigne encore Juliette.

Comme nombre de ses camarades, Léonie n’a pas encore finalisé son inscription sur la plateforme. L’élève de terminale a connu une certaine appréhension à l’approche de la date fatidique de l’ouverture de Parcoursup mais a rapidement été soulagée par les paroles de ses enseignants. “Comme l’ouverture est récente, on n’est pas encore totalement dedans et on ne connaît pas encore trop la plateforme, mais c’est vrai que jusque-là on a vraiment été soutenus par nos professeurs, donc ça a aidé”, explique la future bachelière. Héloïse, elle, n’a pas eu autant de chance. Son parcours a été affecté par ces quiproquos réguliers entre le fonctionnement de la plateforme et les affirmations de ses professeurs. Originaire de Versailles, l’étudiante a dû se rendre dans la faculté de médecine de Clermont-Ferrand, seul établissement l’ayant acceptée sans qu’elle ne sache pourquoi. 

Héloïse (à gauche) et Juliette (à droite) considèrent toutes les deux que Parcoursup a de nombreux défauts. Source : Héloïse

Héloïse (à gauche) et Juliette (à droite) considèrent toutes les deux que Parcoursup a de nombreux défauts. Source : Héloïse

Cependant, les péripéties ne s’arrêtent pas là pour la jeune étudiante de 19 ans. Après une année de médecine et un concours qui n’a pas porté ses fruits, Héloïse a décidé de se réorienter en psychologie. Elle a donc dû faire son grand retour sur la plateforme Parcoursup. Néanmoins, l’étudiante s’est rapidement retrouvée confrontée à un problème de taille : le vœu qu’elle avait accepté quelques jours plus tôt s’est retrouvé supprimé. “J’ai essayé plusieurs fois d’appeler Parcoursup mais on ne me donnait jamais de raisons ni d’explications. Ils me disaient qu’ils ne géraient la plateforme alors que j’appelais le numéro rattaché à cette plateforme”, raconte la jeune fille encore secouée par l’événement. 

Pour Héloïse, ce fut un choc. Après avoir passé ses deux mois de vacances à envoyer des lettres au rectorat et à la faculté, l’étudiante n’avait plus d’espoir. “Là, j’étais totalement perdue.” Finalement, une semaine avant la rentrée de septembre, coup de théâtre. Grâce à mon courrier adressé au recteur, une enquête sur Parcoursup a été faite et j’ai reçu un mail me confirmant qu’il s’agissait bien d’un problème de Parcoursup et que je pouvais récupérer ma place”, raconte l’étudiante. A travers l’histoire d’Héloïse, c’est tout le fonctionnement de la plateforme qui est remis en cause. “Ce que je trouve intolérable c’est qu’ils ont mis plus d’un mois et demi pour me répondre et pour assumer le fait que cette erreur ne venait pas de moi mais d’eux. J’ai donc dû attendre la rentrée de septembre pour qu’ils traitent ma demande et je suis sûre que si je n’avais pas envoyé de mail au rectorat, ça n’aurait jamais été le cas”, s’indigne-t-elle. Aujourd’hui, l’étudiante essaye de laisser cette affaire derrière elle, mais avoue avoir une certaine appréhension quant à la possibilité d’avoir à nouveau affaire à la plateforme.

Ils n’ont pas l’air très stressé

Pour le corps enseignant, Parcoursup est aussi une étape clé de l’année scolaire, notamment pour les professeurs principaux (PP) des Terminales. Ces derniers se doivent d’être de bons conseils pour leurs élèves, notamment pour les guider dans leur choix d’orientation. En général, en terminale, deux PP sont nommés par classe afin de permettre une meilleure gestion des élèves et de les aider le mieux possible.  Sylvie Gueguen-Rocher, enseignante en anglais, et Pierre Patinec, enseignant en SES, sont tous les deux PP de la même classe de Terminale, au lycée Tristan Corbière, à Morlaix dans le Finistère. “Cette année est assez particulière, je crois. Comparés à d’autres promotions, ils n’ont pas l’air très stressé, s’étonne Pierre Patinec.

“Certains n’ont même pas encore ouvert le dossier Parcoursup puisqu’ils ont jusqu’au 9 mars pour s’y inscrire.” – Pierre Patinec, enseignant en SES

L’enseignant avance deux possibilités pour expliquer cette absence de stress. La première est que la plateforme commence à être connue des enseignants, mais aussi des élèves, qui ont pu bénéficier de l’aide et des témoignages des anciens lycéens qui leur ont fait un retour sur leur expérience. La deuxième, un peu plus alarmante, serait “qu’ils ne se rendent pas vraiment compte de ce que c’est et qu’ils minimisent un peu. Je ne les cerne pas vraiment cette année”, explique Pierre Patinec. Même si certaines promotions ne semblent pas éprouvées, ce n’est pas le cas tous les ans. “Ceci n’était pas le cas avec ma classe de l’an dernier, davantage en demande de conseils. Il ne faut donc ni tirer de conclusions hâtives, ni céder aux généralités”, ajoute sa collègue d’Anglais, Sylvie Gueguen-Rocher.

Aussi, tout est fait pour accompagner au mieux les lycéens durant cette période compliquée et anxiogène. “Nous sommes bien entendu disponibles pour répondre à toutes leurs questions, via Pronote, lors des heures d’accompagnement à l’orientation ou en dehors des heures de cours si besoin”, explique Sylvie Gueguen-Rocher. Malgré tout, les PP peuvent aussi être affectés par ce stress, provoqué notamment par une peur de mal orienter les lycéens. “C’est vrai qu’on ne maîtrise pas toutes les formations et on peut avoir peur de mal les orienter”, reconnaît Pierre Patinec. Le professeur de SES met en cause un manque de connaissance des professeurs dû à un éloignement des études supérieures. “Certains PP qui doivent aider leurs élèves ont fait leurs études il y a 25 ans, et ne sont plus très à jour en ce qui concerne les nouveautés dans le supérieur”, déplore Pierre Patinec. À cela vient s’ajouter un manque de formation pour les professeurs. Toutefois, après plusieurs années passées à guider les lycéens à travers leurs projets d’avenir, ils s’aguerrissent et se forment eux-mêmes à l’orientation.

Un manque de transparence

En plus de devoir rassurer les élèves, les PP des Terminales doivent, bien souvent aussi, rassurer les parents. “Ils sont parfois plus inquiets que les élèves eux-mêmes, admet Sylvie Gueguen-Rocher. Notre rôle de PP reste aussi de dédramatiser les idées reçues autour de Parcoursup.Cependant, la situation n’est pas la même pour tous les lycéens, et cela dépend de la filière qu’ils empruntent. En effet, les Bac pro hôtellerie et restauration du lycée Valéry Larbaud, à Vichy, n’ont pas le même rapport à Parcoursup que leurs camarades de générale. Claire de Maximoff est professeure pour les pros, et explique qu’ils “sont bien plus accompagnés tout au long du lycée, dès la seconde”. Avec deux heures d’orientation par semaine, les bac pro sont guidés et dirigés pour leur permettre de poursuivre leurs études, s’ils le souhaitent. À cela s’ajoutent des débouchés plus restreints dus à une formation déjà très professionnalisante.

Mais pour Jérome Arsac, professeur d’informatique et de mathématiques au lycée Claude Nougaro de Caussade dans le Tarn-et-Garonne, le système a un problème contre lequel les professeurs ne peuvent rien faire : la transparence des critères d’admission. Dans le cas de sa commission de tri des élèves de BTS du lycée Claude Nougaro, il explique que “les critères sont choisis après que les élèves aient fait leurs vœux Parcoursup, même si cela pourrait être fait avant.” Impossible donc pour la formation en BTS d’annoncer correctement ce que la formation va favoriser dans le profil des élèves.

Pour le professeur, ce manque de transparence est d’autant plus handicapant qu’il serait en réalité volontaire. “Je n’ai aucune preuve que ce soit voulu, mais vu que ce n’est pas transparent, ça permet les transgressions de toutes les règles. Personne ne vérifie les critères”. Il continue exaspéré, “Ici on nous a demandé d’avoir une attention particulière aux dossiers qui viennent de chez nous, mais est-ce que c’est juste ? Non. On ne prend pas le meilleur élève ou le plus motivé de cette façon”. A noter que les quotas géographiques sont autorisés par Parcoursup dans le cas des formations non-sélectives ce qui n’est pas le cas du BTS.

Leur permettre de décharger l’anxiété”

Les professeurs ne sont pas les seuls vers lesquels les élèves peuvent se tourner, les infirmières sont aussi d’un grand secours. C’est le cas d’Angélique Troscinski, infirmière au pôle universitaire de Vichy qui aide les élèves à gérer le stress créé par Parcoursup. “La clé c’est l’écoute. Il faut discuter, échanger afin de leur permettre de décharger l’anxiété”, témoigne-t-elle. Il n’y a jamais de solution miracle et l’infirmière doit faire au cas par cas, mais Angélique Troscinki conseille souvent la sophrologie pour aider les élèves “à lâcher prise”.

Son domaine de compétence reste cependant limité. “Je suis parfois face à des crises tellement insurmontables que je suis obligée de les rediriger vers des psychologues qui pourront leur apporter un vrai soutien et aborder leur orientation.” Même si un ou une psychologue est plus adapté pour aiguiller les élèves sur leur carrière future, le travail est aussi collectif, estime Angélique Trocinski. “On collabore beaucoup entre médecins, infirmiers et psychologues afin de pouvoir les accompagner et les orienter le mieux possible.” 

Esther Dabert, Antoine Clément, Léo Pignol



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1 réponse

  1. Je confirme (je suis en train de finir de confirmer mes voeux sur le site !), Parcoursup est bien source d’anxiété !!!

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