Une joie incommensurable en 2018. Des inquiétudes sur tous les points en 2022. En quatre ans, tout a basculé pour l’équipe de France. Les cadres sont absents, les potentielles tactiques ne mettent pas en confiance et la Fédération française de football est au cœur de multiples scandales. Malgré une solide prestation en ouverture contre l’Australie, il y a de quoi être inquiet pour la suite de la compétition.

Les Bleus vont tenter de décrocher une troisième Coupe du monde au Qatar. Photo : Pixabay
Après une victoire historique en 2018, l’Équipe de France de football remet son titre de champion du monde en jeu. Malgré une entrée réussie dans la compétition, après une victoire 4-1 face à l’Australie, mardi 22 novembre, il n’y pas forcément de quoi être optimiste quant à l’aventure qatarienne au vu des très nombreuses blessures et incertitudes tactiques. Karim Benzema, Paul Pogba, N’golo Kanté… L’infirmerie est bien remplie.
1. Un plan de jeu incertain
Par où commencer ? Peut-être que les nuits de Didier Deschamps doivent être particulièrement courtes au vu du casse-tête tactique auquel il doit faire face. Entre défense à trois et défense à quatre, on sent que le sélectionneur français ne s’est pas encore trouvé. Sur les six derniers matchs de Ligue des Nations, par exemple, les Bleus ont joué à trois reprises en 3-4-1-2. Pour les autres matchs, une défense à quatre était privilégiée.
Pour le premier match de phase de poule, Deschamps a décidé de partir sur un 4-3-3 avec Griezmann dans un rôle de milieu relayeur/numéro 10. Aurélien Tchouameni et Adrien Rabiot étaient eux aussi alignés au milieu de terrain. Un plan de jeu très offensif qui pourrait ne pas fonctionner et qui verrait alors Didier Deschamps changer sa composition dans les grands matchs, dans les matchs où la France partirait pour souffrir dans le jeu, comme en 2018.
Le champion du monde 1998 pourrait alors opter pour un 4-2-3-1 modulable avec Adrien Rabiot en milieu gauche. Un schéma tactique bien connu des joueurs puisque c’est celui qui a vu les Français remporter leur deuxième coupe du monde. On verrait alors le milieu turinois dans le rôle de Blaise Matuidi, une position qu’il a déjà expérimentée par le passé. Si la France ne donne pas satisfaction dans ce dispositif et que nos Bleus souffrent d’un manque de création, Ousmane Dembélé ou Kingsley Coman pourraient faire leur entrée en jeu pour amener de la vitesse et de la percussion.
2. Blessures et absences de cadres
Maintenant que le plan de jeu est un peu plus clair, reste à savoir quels joueurs aligner au moment du coup d’envoi. Bien que l’attaque française soit la principale force de l’équipe, l’absence de Karim Benzema est une énorme perte qui va vraisemblablement coûter chère à l’Équipe de France. Devoir se priver du meilleur joueur du monde de l’année 2022 va forcément contraindre Didier Deschamps à revoir son animation offensive. Olivier Giroud, remplaçant du numéro 9 madrilène, est un réel point d’appui libérant des espaces pour ses coéquipiers. Alors que Karim Benzema est bien plus présent à la construction et n’hésite pas à décrocher pour créer lui-même le jeu.
Mais la principale inquiétude règne autour du milieu et de la défense. Avec l’absence de Paul Pogba et de N’golo Kanté, la France est amputée de deux de ses meilleurs éléments. Il va falloir faire sans eux. Aurélien Tchouaméni, pièce maîtresse du Real Madrid, semble être le pilier de l’entrejeu tricolore. Mais qui aligner à ses côtés ? Youssouf Fofana ? Mattéo Guendouzi ? Jordan Veretout ? Adrien Rabiot ?
Au vu des dernières apparitions en bleu, Youssouf Fofana semble être une option intéressante. Le milieu monégasque a été une vraie satisfaction sur les derniers matchs de Ligue des Nations de l’Équipe de France en plus d’avoir déjà évolué aux côtés d’Aurélien Tchouaméni à Monaco pendant un an. Mais pour une coupe du monde, la paire Tchouaméni-Fofana semble un peu légère et inexpérimentée (respectivement 22 ans et 23 ans).
Contre l’Australie, c’était Adrien Rabiot qui était aligné aux côtés de Tchouameni et on peut dire que le turinois a pris ses responsabilités. Mais comme évoqué précédemment, ça ne serait pas une surprise de le voir au poste de milieu gauche si la France venait à jouer contre un cador de la compétition. Ça serait alors assez logique de voir Youssouf Fofana évoluer au poste de milieu défensif.
Du côté des défenseurs, même son de cloche. Raphaël Varane est le taulier du secteur défensif, un joueur incontournable. Mais le Mancunien revient tout juste d’une blessure musculaire et une rechute n’est pas à exclure. Dans un monde idéal où le natif de Lille est à 100%, il ne resterait alors plus qu’une place en défense centrale. Qui de Dayot Upamecano, William Saliba, Ibrahim Konaté, Axel Disasi ou encore Jules Koundé pour épauler Raphaël Varane ?
Jules Koundé, semble être considéré comme la doublure de Benjamin Pavard au poste de latéral droit. Il ne reste plus que Upamecano, Saliba, Konaté et Disasi. Des quatre centraux restants, Dayot Upamecano semble être celui ayant le plus de chance de se retrouver dans le 11 de départ aux yeux de Didier Deschamps. Contre l’Australie, le munichois a rendu une copie plutôt propre, mais il faut prendre en considération l’adversité qu’il y avait en face (seulement quatre tirs pour l’australie sur l’ensemble de la rencontre et 37% de possession). Mais Dayot Upamecano a souvent déçu en équipe de France, on se souvient des premières sélections où le défenseur de 24 ans ne semblait pas très serein…
3. Une équipe remplie d’incertitudes
L’Equipe de France manque d’une chose : la profondeur de banc. Hormis offensivement, où la France est plutôt bien lotie, il y a bon nombre de postes où les tricolores n’inspirent pas confiance. Au poste de latéral droit par exemple, Benjamin Pavard, défenseur central de formation, a montré à plusieurs reprises sa polyvalence, ce qui n’est pas le cas de sa doublure, Jules Koundé. On le sait, le Barcelonais est un excellent joueur. Mais, latéral droit n’est pas son poste.
De même pour le poste de latéral gauche où la France a perdu gros lors du premier match. Lucas Hernandez est sorti sur blessure en début de match et la FFF a annoncé son forfait dans la nuit. Il ne reste alors plus qu’un seul latéral de métier à gauche : Théo Hernandez, petit frère de Lucas. Si le joueur de l’AC Milan venait à se blesser ou être exclu, la France ne disposerait alors de plus aucun spécialiste sur ce poste.
Le milieu souffre énormément du manque de profondeur de banc. Adrien Rabiot et Aurélien Tchouameni sont les seuls à avoir offert suffisamment de garanties (pour l’instant). Avec le Real Madrid, Aurélien Tchouameni, jeune milieu de 22 ans, a eu la lourde tâche de remplacer Casemiro, ce qu’il a fait avec brio. De son côté, Adrien Rabiot est l’un des rares joueurs à tenir son rang dans le début de saison de la Juventus. Pour les autres milieux français, ce sont indéniablement de bons joueurs, mais ces derniers manquent de matchs références à très haut niveau. Et pour certains, ils n’ont pas encore eu la chance d’évoluer à ce niveau.
4. La Fédération en pleine crise
Au 87 Boulevard de Grenelle, à Paris, la situation est tendue. Et pour cause, ce n’est pas une mais deux enquêtes qui planent sur la Fédération Française de Football. La première, sortie le 8 septembre 2022 a dévoilé de nombreux problèmes internes. Entre affaires d’agressions sexuelles, de harcèlement, de violences sur mineurs ou encore de chantage sexuel sur des arbitres masculins et des joueuses, les coulisses de la “3F” ont été dévoilées aux yeux de tous. Parmi les personnes concernées, on retrouve le plus haut placé de la Fédération, le président Noël Le Graët. Accusé de harcèlement sexuel, notamment via l’envoi de SMS, le président nie les faits affirmant sur RMC qu’il ne “sait pas les écrire”.
Une semaine plus tard, c’est le journaliste d’investigation indépendant Romain Molina qui publiait son enquête. Il avait annoncé qu’il allait révéler des choses sur la FFF lors d’un direct sur son compte Twitter le 18 novembre 2021. Le 16 septembre 2022, le journaliste a publié son enquête intitulée “40 ans de silence” dans le média norvégien Josimar. Dans cette enquête, il rapporte que la FFF a couvert des cas d’abus sexuels depuis les années 80.

A Nantes, le 13 novembre 2022, la Brigade Loire avait un message clair pour Noël Le Graët à l’aube de la coupe du monde. Photo : Icon
Preuves à l’appui, le journaliste français, assure que la FFF est au courant de l’existence de plusieurs agissements sur des joueurs et joueuses mineur(e)s mais n’a pas signalé ces cas à la justice. Outre l’absence de signalements à la justice, le lanceur d’alerte met en lumière le fait que la fédération ne respecte pas son propre règlement. En effet, les personnes présentées comme responsables de ces abus ne se sont pas vues ôter leurs licences. Ces mesures auraient pourtant permis de mettre fin à la carrière professionnelle de ces personnes ainsi qu’à leurs contacts qu’ils entretiennent avec des jeunes sportifs et sportives.
5. Un adversaire innocent mais coriace
Après l’Australie, les Bleus affrontent le Danemark dans le cadre de la deuxième journée des matchs de poule, samedi à 17h. Sur le papier, les Français sont favoris mais le Danemark est depuis quelques années devenu la bête noire des champions du monde 2018.
Depuis l’épopée fabuleuse en Russie, le Danemark gêne le jeu français. Dans la précédente compétition, le match face au Danemark s’était soldé sur un match nul (0-0). C’est la seule fois de la compétition que la France n’a marqué aucun but et a fait match nul. Il y a deux mois, le 25 septembre 2022, les deux équipes se sont affrontées dans le cadre de l’UEFA Nations League. Encore une fois, l’équipe danoise ne s’est pas laissée faire et cette fois-ci, elle s’est imposée 2-0. La prestation des tricolores n’avait pas été bonne, ce qui laissait planer de nombreux doutes à l’aube de l’aventure qatarienne.
Pour son entrée dans la compétition, les Danois ont fait match nul contre les Tunisiens (0-0). Ils auront donc à cœur de se reprendre face à la France. Les Bleus devront donc montrer un visage solide pour mettre fin à cette mauvaise série. Entre les doutes tactiques, les scandales internes, tout ne joue pas en faveur de l’Équipe de France. Cette dernière inquiète de nombreux supporters français malgré une entrée dans la compétition réussie. Les champions du monde en titre arriveront-ils à garder la tête froide et à aller chercher un nouveau titre ? Après tout, impossible n’est pas français.
Par Yannis Duval et Timothée Peigney
Catégories :Plus Loin
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