Une charte sur les valeurs de la laïcité : vague de tension en Auvergne

Laurent Wauquiez a fait adopter le 17 mars une charte pour la défense des valeurs de la France et de la laïcité. Une initiative portée par la volonté d’en finir avec le débat sur le burkini, mais qui provoque de multiples tensions.

Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne cautionne « aucune dérive communautariste » dans sa région. @European People's Party

Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne cautionne « aucune dérive communautariste » dans sa région. @European People’s Party

Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a fait adopter dans l’après-midi une « charte pour la défense des valeurs de la France et de la laïcité » lors du conseil régional, jeudi 17 mars. Cette dernière définit un certain nombre de « grands principes » comme la laïcité, la mixité ou l’égalité des chances. Plus concrètement, les associations, fondations ou collectivités qui ne respectent pas ces principes peuvent se voir privées des subventions qu’elles reçoivent de la région. Un texte composé de vingt-trois articles où le président de la région a tenu à rappeler que sa région «défend la liberté, notamment religieuse ».

Mais la charte assure aussi que l’Auvergne «s’attache à lutter contre les intégrismes, contre toute forme de propagande et contre tous les endoctrinements portant atteinte aux libertés individuelles, tout particulièrement l’islamisme », selon le sixième point. « La région défend la liberté des femmes, notamment celle de pouvoir circuler librement dans l’espace public et de ne pas se faire imposer des choix en matière vestimentaire », ajoute le point suivant. Une référence à peine voilée au port du burkini.

De nouvelles tensions

Alors que le 7 juin dernier, l’Assemblée nationale supprimait un article adopté par le Sénat sur proposition du sénateur isérois (LR) Michel Savin. Lequel proposait : « Le port de tenues destinées à la baignade et manifestant ostensiblement une opinion religieuse est interdit dans les piscines ou baignades artificielles publiques à usage collectif. » Le port de signes religieux dans les piscines municipales était alors de la seule responsabilité des municipalités.
La place du burkini dans le sport, particulièrement dans les piscines municipales, est alors devenue floue. Ces maillots de bain couvrants qu’une association locale, Alliance Citoyenne, revendique le droit de porter depuis plusieurs années était déjà la cause de tension. En mai 2019, une dizaine de femmes musulmanes, soutenues par Alliance Citoyenne, sont allées, munis de leurs maillots de bain couvrants, se baigner dans une piscine à Grenoble.

Pendant l’été, cette association avait choisi la voie de la médiation, via le dispositif municipal de Grenoble d’interpellation citoyenne. Alors que la municipalité de Grenoble avait annoncé en janvier devoir trouver un consensus au sein de la majorité, Laurent Wauquiez, avec cette charte, a ainsi mis en garde la ville sur le sujet.

Ce débat autour du burkini prend alors un nouveau tournant, alors que très récemment, le maire de Grenoble, Éric Piolle, a affirmé qu’il soutenait « le combat des hijabeuses », des femmes musulmanes qui demandent le droit de porter le voile sur les terrains de foot, il évoquait aussi le port du burkini et la prochaine décision que doit rendre la municipalité. Un tweet auquel à répondu le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes affirmant que « le burkini n’a pas sa place chez nous ».

Dans un post publié sur son compte Facebook, le 20 février, Laurent Wauquiez a par ailleurs aussi dénoncé « la folie islamo-gauchiste qui s’est emparée d’élus et d’intellectuels français et qui constitue une menace pour la République qu’on aurait tort de sous-estimer ». Pour l’élu LR, Eric Piolle avait eu le tort d’ouvrir un débat sur les tenues féminines dans les piscines municipales. « Les mêmes qui sont notoirement agnostiques et détestent la religion, dès qu’il s’agit de catholicisme évidemment, érigent l’islamisme en territoire sacré », a insisté Laurent Wauquiez. Ce dernier, grâce à sa charte, ne souhaite « aucune ambiguïté », explique-t-il dans un tweet.

Pourtant les débats portés autour de ce texte se sont déroulés dans une ambiance de tension, le conseiller régional socialiste Stéphane Gemmani a dénoncé un « mélange hétéroclite des obsessions identitaires » de Laurent Wauquiez. Fabienne Grébert a quant à elle estimé que cette charte était une « opération de racolage électorale » et « un marche-pied à Eric Zemmour ».

Zerrin Bataray, avocate et conseillère régionale du mouvement Generation.s d’Auvergne-Rhône-Alpes a d’ailleurs dénoncé une action de communication électorale, poussée par les « marqueurs classiques de la droite : obsession identitaire, promotion du mérite, refus de l’assistanat, dévotion au forces de l’ordre…». Dans une vidéo partagée par la mairie de Grenoble sur Twitter, l’avocate affirme que ce texte « est bien loin de la Déclaration des Droits de l’Hommes » mais aussi « de la loi de 1901 sur la laïcité et de la jurisprudence en la matière ». Pour Zerrin Bataray, ce texte est une atteinte grave aux droits et à la liberté.

Laurent Wauquiez avait pour objectif grâce à cette charte de mettre un terme à la question du port de signes religieux dans le sport et particulièrement dans les piscines municipales, cependant on peut se demander si ce dernier n’a pas au contraire ravivé les tensions autour de ce débat qui existe déjà depuis plusieurs années.

Huguenot Camille



Catégories :Auvergne

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