Samedi, l’Équipe de France de football aura la possibilité de valider son ticket pour la Coupe du monde 2022 en s’imposant contre le Kazakhstan. Un Mondial marqué par de nombreuses polémiques depuis son attribution en 2010.

Le trophée prestigieux pour lequel les nations vont s’affronter dans un an.
Si les Bleus s’imposent face au Kazakhstan samedi 13 novembre, ils décrocheront leur billet pour défendre leur titre au Qatar. Le compte à rebours pour la prochaine Coupe du monde est donc lancé. Dans un an, les superstars du ballon rond s’envoleront pour tenter de remporter le graal du football. Oui mais voilà, tout n’est pas si idyllique lorsque l’on évoque la Coupe du monde 2022. Le Qatar, pays organisateur, est au centre de nombreuses polémiques depuis l’attribution du Mondial en 2010. Parmi elles, le sort des travailleurs qui construisent les infrastructures nécessaires à son fonctionnement ou encore la question écologique. Malgré les efforts en communication déployés par le Qatar pour camoufler tout cela, la part d’ombre engendrée par l’organisation de cette compétition prend le dessus sur l’événement sportif qui devrait tout de même se dérouler aux dates prévues.
Une attribution controversée
Le football mondial a pris un tournant le 2 décembre 2010. Pour la première fois de l’histoire de la Coupe du monde, un pays du monde arabe a décroché l’organisation de la compétition. Quelques années plus tard, des polémiques voient le jour concernant cette attribution au Qatar. Une information judiciaire est alors ouverte par le PNF (Parquet National Financier) pour “corruption active et passive” et vise Michel Platini, ancienne gloire du football français et, à l’époque des faits, membre du comité exécutif de la FIFA (Fédération internationale de football association). L’ancien numéro 10 de l’Équipe de France est notamment interrogé concernant un déjeuner organisé à l’Élysée par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Ce repas aurait eu un rôle prépondérant dans l’attribution de la Coupe du monde 2022 puisque parmi les invités se trouvaient, le prince héritier du Qatar, Tamin Ben Hamad al-Thani. La justice français s’intéresse également à un contrat passé entre la FIFA et la chaîne qatarie Al-Jazira, quelques semaines avant le scrutin, qui prévoyait un bonus de 100 millions de dollars pour la FIFA en cas de victoire du Qatar dans les urnes. Pour Nicolas Kssis-Martov, journaliste à SoFoot et auteur de “Terrains de jeux, terrains de luttes”, ce ne fait pas de doutes: “Le Qatar a acheté la Coupe du Monde”. Cette polémique aura entre autres valu la place de Michel Platini au sein de la FIFA.
Un immense cimetière
Depuis son obtention en 2010, le Qatar a entamé d’énormes travaux pour accueillir la Coupe du Monde en 2022 comme la construction de routes, d’aéroports, d’hôtels mais également de son premier réseau de métro. Pour réaliser cela, le pays dirigé par Tamim ben Hamad Al-Thani, a fait appel à de la main-d’œuvre étrangère venus notamment du Bangladesh, du Népal ou encore de l’Inde. Il y a un an environ, The Guardian mettait la lumière sur les agissements du Qatar. Dans un rapport, le journal britannique a rapporté que plus de 6 500 travailleurs étrangers sont morts sur les chantiers de la Coupe du monde 2022. Soit près de 12 victimes chaque semaine depuis le début des colossaux travaux liés au Mondial. Parmi elles, des hommes en bonne santé qui ont souffert des chaleurs extrêmes dans les pays du Golfe.
“Ce décompte macabre est très certainement sous-évalué puisque les données d’autres pays, qui comptent de nombreux ressortissants travaillant au Qatar, n’ont pas été recueillies.”, explique Alexandre-Reza Kokabi, journaliste pour Reporterre. Cette révélation au grand public de la situation autour de l’organisation de la Coupe du monde 2022 avait vu naître, de la part de certaines sélections, des mouvements de contestation. La Norvège d’Erling Haaland fut notamment pionnière en dévoilant une banderole avec les inscriptions “Fair Play For Migrants Workers ! Human Rights On And Off The Pitch” (“Fair play pour les travailleurs migrants ! Les droits de l’homme sur et en dehors du terrain”).

Le Al Khalifa Stadium Doha qui accueillera certains matchs de la Coupe du monde 2022.
Des actions symboliques mais qui n’ont jamais été accompagnées de prises de positions fortes de la part des fédérations internationales. “Les gouvernements sont plus préoccupés par leurs relations diplomatiques avec le Qatar que par le sort des ouvriers.”, explique Nicolas Kssis-Martov. Il nuance son propos en rappelant que “la Coupe du monde 2022 a permis d’éclairer la situation qui est dramatique dans les autres pays du Golfe.” À un an de la compétition, malgré les polémiques, très peu de doutes planent autour de sa tenue.
Un désastre écologique
Au-delà du fait de bafouer les droits humains de ses travailleurs, la question écologique ne semble pas être l’interrogation principale des Qatariens. En 2018, la Banque mondiale estimait que chaque habitant du Qatar produit 32,4 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone alors que la moyenne mondiale s’élève à 4.5 tonnes par habitant. Un chiffre qui fait de l’émirat de 11 586 km², le plus mauvais élève du classement des émissions de Co2 par habitant. Avec le Mondial 2022 qui se précise, ces statistiques ne s’amélioreront pas. En cause notamment la température qui ne facilite pas l’organisation. L’été, elle avoisine les 47°C et se révèle donc incompatible avec la pratique du sport. Ce phénomène climatique a poussé les instances dirigeantes du monde du ballon rond à déplacer, pour la première fois de son histoire, les dates de la Coupe du monde, la faisant ainsi se dérouler en hiver où l’atmosphère est moins torride. Pour éviter également le même scandale que lors des Mondiaux d’athlétisme de Doha, des systèmes de climatisations géants sont installés. « Ces immenses systèmes de refroidissement sont très énergivores », commente le journaliste pour Reporterre. “L’air chaud aspiré dans les stades est renvoyé à l’extérieur, ce qui a pour conséquence de réchauffer les centres urbains”, complète-t-il. Cette consommation excessive d’énergie engendrée par les climatisations géantes, promet donc une augmentation des émissions de gaz à effets de serre et par corrélation du réchauffement climatique. « Pour camoufler cela, il y a beaucoup de greenwashing de la part du Qatar qui se sent observé sur la question écologique. », explique le journaliste.
Une communication qui interroge
Lors d’une conférence sur le développement durable, en octobre 2018, le ministre de l’environnement du Qatar, Mohammed ben Abdallah al-Rumaihi, avait annoncé que « le Comité suprême pour l’héritage et les projets a travaillé sur la planification et l’organisation d’un tournoi au bilan carbone neutre. ». Le pays dirigé par Tamim ben Hamad Al Thani a également déclaré mettre en avant des solutions environnementales et des stades écologiques comme le Ras Abu Aboud Stadium. En effet, ce rectangle vert est entièrement démontable et a nécessité moins de matériaux lors de sa construction. Cependant, un rapport de la FIFA vient contrebalancer tout cela. Il estime que la Coupe du monde 2022 au Qatar devrait générer 3,6 millions de tonnes de dioxyde de carbone soit 1.4 millions de plus par rapport à la dernière édition en Russie.
Deux mois après la parution du sixième bulletin du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui prévoit une hausse de 1,5°C dès 2030 Alexandre-Reza Kokabi estime que “dans ce contexte d’extrême urgence climatique et écologique, cela paraît aberrant d’organiser un événement comme la Coupe du monde 2022 au Qatar”.
Un rythme effréné pour les joueurs
Pour en venir au terrain, en modifiant les dates de la Coupe du monde 2022, la FIFA a poussé les différents championnats à bousculer leur programmation. Dans un communiqué paru le 14 octobre, la LFP (Ligue de Football Professionnel) a annoncé le calendrier inédit de la saison 2022-2023, marquée par la Coupe du monde au Qatar. Parmi ces annonces, la création “à titre exceptionnel” d’un boxing day à la française qui ferait jouer deux journées de championnat de Ligue 1, les 28 décembre 2022 et 1er janvier 2023. Des rencontres qui interviendraient une dizaine de jours après la finale de la plus grande compétition de football, faisant vivre un véritable rythme effréné aux joueurs de Ligue 1 sélectionnés pour le Mondial 2022.
À l’heure actuelle, le syndicat des footballeurs professionnels évoluant en France, l’UNFP, ne s’est pas positionné sur ce nouvel agenda décidé par l’instance dirigée par Vincent Labrune. En prévision des échéances programmées pour la saison 2022-2023, les rencontres vont se multiplier en ne laissant aux joueurs internationaux que peu de repos. Le cas de Pedri, qui n’était jusqu’alors qu’une exception, risque de devenir une généralité. Aujourd’hui le joueur du FC Barcelone subit le contrecoup de ses calendriers surchargés. Depuis le 14 septembre, l’international espagnol “souffre d’une lésion musculaire au quadriceps de la cuisse gauche.”, annonçait Ronald Koeman au lendemain de la défaite 3-0 face au Bayern Munich. Une blessure qui le prive encore aujourd’hui des terrains, sans doute la conséquence de ses 73 matchs disputés lors de sa saison 2020-2021. Thibault Courtois, le portier du Real Madrid et de la sélection belge, se plaignait de l’accumulation des matchs et de l’absence de périodes de repos, à l’issue de la défaite face à l’Italie en Ligue des Nations. “Ils ne se soucient pas des joueurs mais seulement de leurs poches”, affirmait-il en zone mixte. La déclaration avait été énormément relayée dans les médias, tant les prises de positions des joueurs se font rares.

Les internationaux devront profiter des éliminatoires pour peaufiner les automatismes.
À travers une circulaire envoyée aux 55 fédérations européennes, l’UEFA (Union des associations européennes de football) a annoncé aux sélections que les joueurs qualifiés pour la Coupe du monde 2022 ne seraient disponibles qu’une semaine avant le début de la compétition. Une période trop courte pour organiser des matchs amicaux afin d’intégrer les futures “surprises” des listes des sélectionneurs. Lors de la préparation pour l’Euro 2020, qui s’est déroulé en 2021 Covid oblige, Didier Deschamps déplorait déjà la réduction de cette période. “On a du temps mais il s’est réduit. C’est ma quatrième compétition et je me rappelle qu’en 2014, ça remonte un peu, on n’avait pas loin de trente jours de préparation. Aujourd’hui on est à vingt, ça fait dix jours de moins…”, expliquait-il en conférence de presse. Au-delà du fait d’ajouter une nouvelle polémique autour de ce Mondial au Qatar, la décision de réduire le temps de préparation influera négativement sur la qualité des rencontres. En effet, les automatismes ne pourront que partiellement être travaillés ce qui altérera la mise en place de jeu collectif. Après un Euro 2020 rythmé par le Covid-19, le risque Coupe du monde 2022 sans saveur est omniprésent.
Sylvain Bruyas
Catégories :Plus Loin
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