Covid-19 : la santé fragile du cinéma français après la pandémie

Depuis début 2020, la pandémie a mis de nombreux secteurs à genoux, notamment culturels. L’industrie cinématographique, touchée de plein fouet, peine à se relever et crée des inquiétudes quant à son renouveau. La France ne fait pas exception, et la reprise se fait difficilement. Dressons donc un bilan de l’impact du Covid-19 sur le cinéma français.

Date du décès : mars 2020. Identité de la victime : Cinéma français. Assassin présumé : Covid-19. Comme l’a imaginé Hitchcock en 1954, le crime était presque parfait. En à peine quelques mois, un meurtrier inconnu du grand public est arrivé à mettre à terre l’une des industries les plus importantes de l’économie mondiale. Le coup est-il réussi ? Le cinéma se remettra-t-il de cette agression ? Et la branche française, elle, arrivera-t-elle à rester debout ? Installez-vous bien confortablement dans votre fauteuil rouge, nous sommes partis pour élucider cette enquête.

Tout d’abord, retournons à la base même de l’industrie cinématographique : les films. La production a été fortement ralentie, puisque lors de l’année 2020, seulement 239 films ont été produits par le cinéma français. En comparaison avec 2019, dernière année “normale” avant la crise sanitaire, c’est 50 films de moins qui ont vu le jour. 2020 remporte donc la triste palme “d’année au nombre de films produits le plus bas depuis 10 ans”.


Tableau de l’évolution du nombre de films produits entre 2011 et 2020. Crédit : vie-publique.fr

Cela s’explique par les restrictions sanitaires, comme les confinements par exemple, et donc les impossibilités de tourner les scènes du film. D’après les études du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée), si on se penche sur le nombre de jours de tournage cumulés sur l’année, on peut observer une baisse par rapport à l’an passé de 30%. Sur le territoire français (excluant donc du calcul les films tournés à l’étranger), 3 590 jours de tournages ont été réalisés, contre presque 5000 en 2019. Cette baisse s’applique aussi bien pour les tournages en studio que dans des décors naturels extérieurs.

Autre phénomène pernicieux de la pandémie : l’isolement des pays. Le cinéma ne connaît que peu de frontières, ce qui devient vite problématique lorsqu’il est impossible de se rendre à l’étranger pour filmer. De ce fait, les coproductions internationales ont atteint leur plus bas niveau depuis 2006. En associant baisse de production et empêchements techniques, en cumulant problèmes sur problèmes, inéluctablement, les investissements dans le secteur se sont considérablement amoindris. Le total des fonds injectés dans le cinéma a baissé de près de 30% ce qui constitue des sommes colossales. De ce point de vue, redonner la confiance aux investisseurs risque de ne pas être chose aisée, ce qui pourrait être un potentiel frein au renouveau du cinéma français. Notons tout de même que les films les plus touchés par cette absence d’investissement sont les productions à gros budget, de 1 à 4 milliards d’euros, et supérieurs à 5 milliards d’euros.

Les salles de projection : premières victimes de la pandémie

Bien que les producteurs aient été fortement affectés par la crise du Covid-19, les cadavres de premières lignes sont surtout ceux de salles de cinéma. En effet, les 2 045 salles de projection françaises et leurs plus de 6 000 écrans ont été contraints de fermer. Au total, les salles obscures sont restées dans le noir pendant 162 jours, soit environ 5 mois et demi. Cette durée de confinement peut sembler longue, déjà bien trop pour les petites salles indépendantes ne bénéficiant pas des stabilités économiques des grands groupes de diffusion, mais le calvaire ne s’est pas arrêté là. Pendant les périodes de réouverture, l'afflux de spectateurs n’a pas été aussi florissant que dans les pleines saisons habituelles.

À la reprise, une jauge maximale a été instaurée, ne permettant de remplir que 35% des sièges, quelle que soit la taille de la salle. Et même aujourd’hui, alors que les jauges autorisées ont disparu et que tout est revenu à la normale, quelques spectateurs sont encore privés de l’expérience des salles obscures. En effet, actuellement, deux mesures sont toujours en vigueur concernant les cinémas : le port du masque obligatoire, ainsi que la possession d’un pass sanitaire valide. Bien que ces mesures soient beaucoup moins contraignantes que le confinement ou les jauges maximales de personnes, une petite frange de population est dans l'impossibilité, volontairement ou non, d’apporter son soutien financier aux salles françaises.


Tableau de comparaison de la fréquentation des salles de cinéma françaises entre 2019 et 2020

S'il est clair que la fréquentation a fatalement dégringolé depuis l’année dernière, prenons un exemple concret pour s’en rendre compte. En inspectant le box-office, c’est-à-dire le succès d’une œuvre, il est possible de constater l’écart monumental entre l’avant et l’après Covid. Nous parlerons ici en termes d’entrées en salle de projection pour un film donné. Sur l’année 2019, le film ayant réalisé le plus d’entrées est Le Roi Lion de Disney, avec un peu plus de 10 millions de places vendues. En 2020, sur l’ensemble de l’année, c’est Tenet de Christopher Nolan qui remporte le box-office français, mais avec seulement 2 350 000 entrées, ce qui est extrêmement peu pour un film de cette envergure et de ce budget. 

Enfin, à l’heure actuelle, le film Dune du réalisateur Denis Villeneuve est en tête avec 2,8 millions de spectateurs. Il ne devrait cependant pas garder son trône encore très longtemps, puisqu’un certain agent secret le talonne. En effet, l’agent 007 est revenu dans le tout nouveau James Bond en date Mourir peut attendre. Mais est-ce que la 6e plus grosse franchise du cinéma, également la 23e plus grosse licence tout court peut faire pencher la balance ? L’agent secret de Sa Majesté peut-il sauver le cinéma comme il sauve le monde ? 

En définitive, Bond n’a malheureusement pas les épaules pour porter à lui seul une industrie aussi importante. Mais il peut tout de même contribuer à son maintien. Pour bien comprendre ce que l’agent secret peut apporter au cinéma, Loïs Patton décortique dans ce podcast l’impact du dernier James Bond.

Une industrie qui a besoin d’aide pour se relever

Afin de tenter de maintenir la place du cinéma français dans l’économie nationale, l’Etat et le CNC ont mis en place des dispositifs d’aides. Ainsi, un fond d'indemnisation et de garantie a été mis en place, d’un montant de 100 millions d’euros, cofinancé par l’Etat et des assureurs privés, afin d’assurer les arrières des productions qui se stopperaient pour cause d’un nouveau confinement. De plus, un plan de relance de 12,2 millions suivi d’un plan de soutien d’urgence de 11,8 millions d’euros, à l’initiative du CNC, a été lancé. Du point de vue des institutions, tout est mis en œuvre pour garder en bonne santé l’industrie cinématographique française. Mais en fin de compte, la meilleure aide pour le cinéma, c’est vous. Les spectateurs qui remplissent les salles sombres sont incontestablement le meilleur moyen de maintenir ce monde culturel.

Louis Canoby



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