Elections présidentielles : en difficulté, le PS et LR tentent de rester sur le devant de la scène

Le clivage historique gauche-droite était incarné jusque-là par le Parti socialiste d’un côté et Les Républicains de l’autre. Mais depuis 2017, les deux grands partis luttent pour continuer à peser sur la vie politique française. A quelques mois de l’élection présidentielle, comment se portent ces deux géants déchus ? Vont-ils pouvoir jouer les trouble-fête pour contrer les forces émergentes ?

Anne Hidalgo, la candidate officielle du PS, et Xavier Bertrand, l’un des candidats potentiels de LR, tenteront de redorer le blason de leurs partis à l’heure de la présidentielle. Photo : Flickr / Gilles Hallais, Radio France/ Mathieu Delmestre

Anne Hidalgo, la candidate officielle du PS, et Xavier Bertrand, l’un des candidats potentiels de LR, tenteront de redorer le blason de leurs partis à l’heure de la présidentielle. Photo : Flickr / Gilles Hallais, Radio France/ Mathieu Delmestre

Les derniers sondages ne sont pas très flatteurs pour les deux partis historiques que sont Les Républicains (LR) et le Parti Socialiste (PS). Depuis 2017, ils sont tous deux dans une situation périlleuse et n’abordent pas les présidentielles de 2022 en tant que favoris. Si la posture des deux partis n’est pas comparable, on retrouve des similitudes. 

Une perte de vitesse commune

Le grand public aura remarqué que pour la seconde élection présidentielle de suite, les sondages excluent le PS et LR du second tour des présidentielles. Une anomalie, alors que depuis 2002, année de la création de l’UMP (ex LR), et jusqu’en 2012, les deux partis avaient monopolisé cinq des six places disponibles au second tour (2002 faisant exception). Pour le politologue Olivier Rouquan, interrogé par L’Effervescent, “cette perte de vitesse a été notable dès 2002, il y a 20 ans. En 2002, le PS n’arrive pas au second tour de la présidentielle. Le président sortant, étiqueté UMP, est affaibli, il fait 19% au premier tour. Il y a déjà à l’époque tous les ingrédients qui font que, 20 ans plus tard, ces deux partis sont en déclin. Ce qui peut permettre de comprendre cela, c’est notamment la crise du résultat. Les politiques publiques qui ont été menées, soi-disant réalistes, ont laissé de côté trop de Français.“

“Les deux partis qui ont gouverné depuis des années ont déçu.“ – Olivier Rouquan, politologue

Le scénario de 2017 pourrait donc se répéter. Anne Hidalgo, candidate officielle du PS, n’atteint pas plus 5 à 6 % d’intention de vote et Les Républicains ne décollent pas à plus de 18 %, ce qui ne leur permet de passer au second tour dans aucune configuration, quel que soit le candidat désigné lors du congrès interne. 

Pour les deux partis, cette perte de vitesse s’explique en partie par la fuite des cerveaux, qui ont déguerpi pour soutenir la cause d’Emmanuel Macron. A droite, l’exemple qui l’illustre le mieux est celui d’Edouard Philippe. Le maire du Havre, ancien membre des Républicains, a su attirer dans son filet les électeurs de son bord les plus modérés et continue sur sa lancée avec la création de son parti, Horizons. L’ancien Premier ministre a réaffirmé son soutien à Emmanuel Macron, qu’il souhaite voir briguer un nouveau mandat, estimant que cela “passera par un élargissement de sa base électorale“. A l’opposé, de grosses pointures tel que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, ont quitté le PS pour intégrer le gouvernement. 

Les électeurs ont suivi les politiques, s’orientant vers d’autres partis. A droite, certains ont préféré le macronisme, d’autres ont cédé à la tentation de l’extrême droite. Le PS a lui payé le bilan mitigé du quinquennat de François Hollande et a vu une partie de ses électeurs suivre l’aventure Macron, ou miser sur les Insoumis ou les Verts, dans l’espoir de les voir mener une politique de gauche assumée. 

Olivier Rouquan n’est pas très optimiste quant à l’avenir du PS et de LR : “Cette fois-ci je pense que ce sera le coup de grâce. Il faudra sans doute refonder des partis politiques à l’issue de cette élection. Il y aura des survivances, après tout les radicaux de gauche existent encore. Ça va prendre du temps, mais se met en place un nouveau jeu politique et il n’est pas sûr que, dans un premier temps, il soit bipolarisé comme on en a eu l’habitude entre 1965 et 2017. ”

Une méthode commune

Comme le dit l’adage, les opposés s’attirent. Pour désigner un candidat pour les présidentielles, les deux partis ont opté pour la même option : une primaire interne. Ainsi les militants du Parti socialiste ont donné leur confiance à la maire de Paris, Anne Hidalgo. Les adhérents LR doivent de leur côté désigner leur candidat en décembre. Finalement, l’objectif est le même : se regrouper pour se renforcer. Le vote réservé aux adhérents permet de resserrer les lignes des partis afin de regagner la confiance de ces derniers, qui quittent massivement les partis depuis plus de 10 ans. “ Il n’y a jamais eu un nombre d’adhérents comparable à ce qui se passe en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Lorsqu’il y a des discrédits et de la méfiance qui se répand et qui est durable, forcément il y a moins de militants. Si en plus, et de fait, les résultats électoraux sont mauvais ou médiocres, ça encourage peu la mobilisation. Tout ceci fait boule de neige”, analyse Olivier Rouquan.

(Source : France Info, Les Républicains)

Les deux anges déchus espèrent donc regagner la confiance d’anciens adhérents pour créer un élan positif pouvant les mener à la victoire finale. Même si le PS ne se fait pas d’illusions quant à ses chances de victoires en 2022. Une partie des dirigeants LR lorgnent de leur côté secrètement sur une victoire de Xavier Bertrand au congrès du parti. Selon les sondages, le candidat semble le mieux placé pour accéder au second tour. Il pourrait profiter de la division des voix de l’extrême droite. 

Malgré leur perte de vitesse, LR comme le PS restent importants dans le quotidien des Français grâce à leur ancrage local. Pour l’illustrer, il suffit de constater qu’ils se partagent toutes les régions de la France métropolitaine depuis les élections régionales de juin dernier. Parmi les trois favoris pour l’investiture des Républicains, deux sont présidents de région : Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France et Valérie Pécresse en Île-de-France. Anne Hidalgo est, elle, maire de Paris depuis 2016 et a été reconduite en 2020. Preuve qu’à une échelle régionale et locale, le PS et LR conservent une base électorale. “Les relatifs bons résultats des forces traditionnelles dans le pays sont le signe des faiblesses du Rassemblement National et de La République En Marche, plus que de leurs forces, relativise le politologue Olivier Rouquan. C’est une victoire en creux, parce qu’il y a trop d’abstention pour dire que ces partis mobilisent et créent de la légitimité.”

Une candidate esseulée face à un congrès disputé

Le 14 octobre, Anne Hidalgo a été investie candidate du Parti Socialiste à la présidentielle 2022. Avec comme seul adversaire le maire du Mans, Stéphane le Foll, la maire de Paris n’a pas eu à batailler et le résultat était connu d’avance. Les Républicains sont dans la situation contraire, ayant six prétendants à la candidature finale. Espérant être étiquetés candidat LR, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ont même rejoint leur ancien parti, qu’ils avaient tous deux quittés en 2017.

Le duo figure parmi les favoris pour remporter l’élection interne, au coude-à-coude avec Michel Barnier, l’ancien négociateur du Brexit pour l’Union Européenne. Ce dernier bénéficie de sa fidélité au parti ce qui le place en position de challenger. En revanche, Michel Barnier est moins bien placé que les deux présidents de région dans les intentions de vote au premier tour des présidentielles. 

Des forces émergentes provoquent le déclin

La division pourrait finalement venir de l’extérieur. Des candidats ayant des idéologies ressemblant à ceux du PS et de LR font de l’ombre et empêchent les deux partis d’espérer atteindre leurs scores d’antan. “Nous devons faire face à deux menaces extérieures, avec Eric Zemmour d’un côté et Edouard Philippe de l’autre”, a confié Damien Abad, chef de file des députés LR. Le parti a bien du mal à se faire sa place entre la politique conservatrice prônée par Zemmour et celle plus libérale d’Emmanuel Macron et de son allié Edouard Philippe. On observe d’ailleurs dans les sondages, que sans la candidature d’Eric Zemmour, les candidats LR gagnent des points d’intention de vote et en perdent avec sa présence. Olivier Rouquan atteste que “Les Républicains sont abîmés depuis la fin de la présidence de Nicolas Sarkozy, ils n’ont jamais retrouvé un leadership à peu près stable. On a vu, comme pour le PS, qu’un certain nombre de ses élus est tenté par le goût du pouvoir. Ce qui va se passer si le candidat LR n’est pas au second tour, c’est qu’une partie des élus LR essayeront de se rallier à LREM pour gouverner, et ça se fera sous l’égide d’Édouard Philippe.”

“Les gens de droite veulent exercer le pouvoir, ils n’aiment pas être dans l’opposition.” – Olivier Rouquan

Quant au PS, il ne pourra pas compter sur le ralliement d’Europe Ecologie les Verts dès le premier tour, comme cela avait été le cas en 2017. Yannick Jadot, le candidat écolo tient la corde, avec entre 6 et 10% d’intention de vote, quand Anne Hidalgo plafonne entre 4 et 7%. Les deux candidats espèrent avoir le leadership à gauche afin d’attirer des votes opportunistes. Le parti écologiste prend de plus en plus de place à gauche et gagne en crédibilité après ses succès lors des élections européennes et municipales.

Une crédibilité qu’a perdue le PS depuis le quinquennat Hollande et ses adversaires ne manquent pas de le rappeler. Il n’est plus le pilote de la gauche. Il y en a d’autres, les écologistes, la France insoumise”, estime ainsi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur Franceinfo. Il n’y a pas de pilote à gauche, estime de son côté Olivier Rouquan. Les rapports de force, suivant l’élément que l’on considère, sont soit favorables au Parti socialiste, soit aux écologistes, mais à mon avis désormais beaucoup moins en faveur de la France Insoumise. C’est bien parce qu’il y a concurrence des forces qu’il n’y a pas de pilote, que chacun veut pousser son avantage lors de cette échéance.”

“A gauche, chacun espère prendre le leadership pour pouvoir piloter l’après, mais tout le monde a intégré la défaite.” – Olivier Rouquan

Il reste six mois aux deux partis pour (re)conquérir l’opinion des Français. Les adhérents des Républicains devront d’abord désigner leur champion. Dans les deux camps, la réussite finale dépendra aussi du succès ou non de leurs adversaires. L’époque où les duels PS-LR faisaient l’élection paraît aujourd’hui bien loin…

Martin Lhote et François Maleysson



Catégories :L'Evenement, Présidentielle

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