La précarité s’accentue avec à la crise du Covid-19 pour les étudiants. Certains d’entre eux font le choix d’en venir à la prostitution pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas de Lisa, étudiante auvergnate et prostituée depuis 1 an, dont nous avons fait la rencontre.

L’université Jean Moulin Lyon 3.
Si la précarité étudiante n’a pas commencé avec le Covid-19, elle a été fortement accentuée par la crise sanitaire. Cette dernière a créé une “nouvelle précarité”, explique Monique Ronzeau, présidente de l’Observatoire national de la vie étudiante au journal Le Point. De nombreuses entreprises ont fermé pendant les périodes de confinement, et cela à aussi signé la fin des “jobs étudiants”, engendrant alors une hausse de la précarité étudiante.
Une hausse qui ne fait pas exception en Auvergne Rhônes-Alpes. “À la rentrée 2020, le coût de la vie étudiante d’une manière générale a augmenté de 3,97 % à Clermont-Ferrand, ce qui est supérieur à la moyenne nationale”, témoignait le Président de l’Unef Auvergne, Mayke Fustier à La Montagne en décembre 2020.
Face à la hausse de cette précarité, certains étudiants cherchent de quoi s’en sortir. L’association l’Amicale du Nid, qui dénonce la prostitution comme une violence, a ainsi mené une étude en 2014 à Montpellier. Il en ressortait que près d’un étudiant sur six envisagerait le recours à la prostitution en cas de situation très précaire. Pour tenter de comprendre un mieux le phénomène, L’Effervescent a interrogé Lisa*. Cette étudiante lyonnaise, qui s’est lancée dans la prostitution par manque de moyens, a accepté de nous raconter son histoire.
L’effervescent : Depuis combien de temps es-tu prostituée?
Lisa : Cela fait actuellement un an, j’ai commencé à 18 ans.
Comment es-tu devenue prostituée ?
Tout d’abord, il faut savoir que j’ai des amis bien plus vieux que moi, ils ont environ 40 ans. Et un soir, j’étais en soirée et j’ai un ami qui vient me voir, et me demande de coucher avec un ami à lui. Il m’explique qu’il me donnera de l’argent pour ça mais que je ne dois rien dire à son ami. J’ai accepté, et à la suite de ça, son ami avait appris que j’avais été payée et il a voulu qu’on se revoit. Cela a été mon premier client. Après, j’ai donné mon numéro à ses amis et ça s’est fait comme ça.
J’avais besoin d’argent. La vie à Lyon est très chère, j’avais perdu mon boulot à Carrefour à cause du Covid. J’ai vu ma porte de sortie.
Au niveau rémunération, combien cela te rapporte ?
Cela dépend beaucoup, cela dépend s’il y a des touristes, mais je traîne aux alentours de 800 euros avec les pourboires. Je suis montée jusqu’à 5 000 euros en un mois une fois avec les touristes, tout ça.
Quelles sont les tranches d’âge et les classes sociales de ta clientèle régulière ?
Pour mes clients réguliers, le plus jeune, il a 39 ans et le plus vieux, il a 52 ans. Pour les autres, c’est plus variable. J’ai déjà eu un client de 69 ans. Et après, tu es confronté à toutes les catégories sociales et professionnelles de ce pays.
As-tu déjà été amenée à refuser certaines demandes ?
Oui, des demandes sans protection, des choses comme ça…
Est-ce qu’à côté tu as un copain ? Depuis que tu as commencé, as-tu déjà eu des relations personnelles ?
Je ne sais pas si c’est à cause de ce travail, mais depuis que j’ai commencé non.
Est-ce que ton entourage est au courant ?
Ma meilleure amie est au courant, elle a même voulu le faire mais je lui ai dit ‘non’. J’ai connu beaucoup de femmes qui regrettent. Ma famille n’est pas au courant.
Est-ce que toi tu regrettes ?
Je suis mitigée, j’ai peut-être commencé un peu trop jeune. Après moi mon bonheur ne m’importe peu.
Quel est le plus dur dans ton travail ?
Au début, je vivais vraiment mal quand la personne te donne l’argent, c’était vraiment horrible. Maintenant ça va, ce sont plus des questions de sécurité. Je change beaucoup d’hôtels, je fais très attention, je ne reçois jamais chez moi. (…)
Au début, tu penses que tu vas avoir des clients, des hommes beaux. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, la première année j’avais les huit mêmes clients. Mais après avoir agrandi ta fiche d’appel, il y a beaucoup plus de choses à gérer.
As-tu senti une dépendance à l’argent, en commençant ce travail ?
Carrément. Grâce à ce métier, je n’ai plus de problèmes d’argent, je n’ai pas à enchaîner des boulots de merde où tu es payée une misère. Cet argent ne me sert pas seulement pour vivre mais aussi pour me faire plaisir, je peux m’acheter de beaux sacs, etc.
Je pense que tout le monde ne peut pas le faire, même si l’envie est là.
Après pour dire la vérité, je pense que je suis trop conne pour avoir mal. C’est une femme qui était sur le trottoir, qui m’a dit ça : “Les gens intelligents ne peuvent pas faire notre métier.” Je n’ai pas envie d’inciter des gens à le faire, car tout le monde est différent et ça peut casser des vies.
*Le prénom a été modifié.
Propos recueillis par Camille Huguenot
Catégories :Auvergne
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