Covid-19 : quelles sont les conséquences de la fermeture des écoles ? 

Alors que l’épidémie semble prendre un nouveau tournant, les mesures sanitaires, elles, se durcissent. Cette fois-ci, les écoles sont en ligne de mire avec au programme une fermeture de trois à quatre semaines. Une situation qui semble déjà avoir des conséquences sur les élèves et le corps enseignant. 

Laura, 17 ans, en classe à la maison? Photo : Ornella Gache

Laura, 17 ans, en classe à la maison? Photo : Ornella Gache

Une fois encore, plus d’un an après l’annonce du premier confinement, les écoles sont visées par les nouvelles mesures prises pour endiguer l’épidémie. Le mercredi 31 mars, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé aux Français qu’ils devront encore faire quelques efforts avant de pouvoir retrouver la vie d’avant.

Et cela doit passer par une fermeture des écoles, collèges et lycées, assortie d’un alignement des vacances, toutes zones confondues, du 10 au 26 avril. Des annonces qui font perdre une petite semaine de classe en primaire, deux dans le secondaire. Quelques jours en moins qui engendrent tout de même des conséquences, tant au niveau psychologique que scolaire. 

“On ne sait rien à l’avance, on ne peut pas prévoir ni se préparer”

La fermeture des écoles semblait inévitable à cause de la multiplication des cas et de la montée de l’épidémie. “Le nombre de personnes touchées augmentait de plus en plus et malheureusement c’était la seule façon d’enrayer le virus, au moins dans les écoles”, estime Nathalie, professeure d’italien en lycée et collège.

Cependant, cette fermeture pourrait affecter le diplôme des élèves et leur niveau scolaire. En effet, le niveau global des élèves de CP et CE1 a légèrement baissé, selon les évaluations de rentrée de 2020-2021. La part des élèves ayant une maîtrise satisfaisante a diminué dans tous les domaines par rapport à l’année précédente.

Au CP, 77,6% des enfants avaient ainsi une maîtrise satisfaisante de la connaissance “du nom des lettres et du son qu’elles produisent” en septembre, contre 80,1% l’an passé. Le 31 mars 2020, après un mois de confinement, le Ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer estimait avoir perdu 5 à 8% des élèves, injoignables pour la continuité pédagogique. 

Pour ceux devant passer des épreuves cette année, la question se pose de savoir s’ils vont les réaliser en présentiel. Les épreuves seront-elles aménagées ? L’évaluation se fera-t-elle en contrôle continu ? Pour l’instant, les réponses à ces questions restent floues et les élèves ne savent pas encore quoi réviser et comment ils pourront être évalués.

Pour les Terminales de l’année dernière, le baccalauréat a eu lieu en contrôle continu, donc sans épreuve. Une décision assez surprenante, selon Bastien, 19 ans, diplômé l’année dernière : “On ne s’y attendait pas, c’était la surprise générale. Une fois que ça a été décidé, il y a deux sentiments qui sont nés. Celui de se dire qu’il n’y aurait pas la même charge de travail et celui de croire (au départ) que le bac aurait la même valeur. L’attente d’un baccalauréat sans perspective déstabilise beaucoup d’élèves, dont Laura, 17 ans, élève en première : “On ne sait rien à l’avance, on ne peut pas prévoir ni se préparer. On apprend tout sur le tas et ça devient vraiment embêtant.” 

Mais les élèves ont également peur d’un “bac au rabais”, peur que ce diplôme sans épreuve n’ait pas la même valeur qu’un baccalauréat classique. Avec la nouvelle réforme du baccalauréat en plus, beaucoup de lycéens se demandent comment se déroulera leur diplôme, comme Laura : “Nous sommes un test pour le nouveau bac et on aura passé aucune épreuve. Les notes risquent d’être rehaussées, donc notre bac n’aura que très peu de valeur par rapport aux années précédentes et aux années qui suivent”. 

Le baccalauréat tout en distanciel de l’année dernière a pénalisé ses diplômés, comme l’explique Bastien : “Les professeurs nous disaient que le bac aurait la même valeur. Arrivés en fac, on a été presque stigmatisés. Les notes de partiels n’étaient pas forcément bonnes, et les profs nous rabâchaient que c’était parce qu’on n’avait pas l’habitude de passer de vrais examens. Je me dis que pour plus tard ça va être compliqué.

Si quelqu’un a le même CV mais un an de plus que moi, il sera favorisé car il n’aura pas l’étiquette « bac Covid » qui lui sera accolée.” – Bastien

Ces difficultés s’ajoutent aux problèmes techniques. Le Cned (service de la classe à la maison) ne fonctionne pas très bien depuis plusieurs jours.l’écran indique souvent que les serveurs ne répondent pas. Si le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer explique cela par un piratage informatique, il serait possible que les serveurs ne soient pas adaptés au nombre de connexions ou que les salariés du Cned soient en grève selon certains professeurs. 

Nathalie, professeure d’italien, explique également que “les bugs sont nombreux et les élèves n’ont pas tous un ordinateur personnel”, empêchant souvent une bonne atmosphère de travail.

Pour Laura, l’enseignement en distanciel est au final moins stressant que l’enseignement hybride (un jour sur deux) mis en place depuis les vacances de février. Cependant, les enseignants ont chacun leur méthode pour transmettre leurs cours et “cela est compliqué parce que [les élèves ont] 3 sites différents à regarder tous les jours” dans le cas de Laura.

“A cause de l’angoisse, certains ne sont jamais retournés à l’école”

Si ces nouvelles mesures sont, en théorie, limitées dans le temps, elles ne devraient pas avoir de conséquences sur l’apprentissage. Cependant, l’enseignement à distance portera encore une fois un coup au moral des enfants et adolescents. Les écoles, collèges et lycées se trouvent déjà depuis un an face à un climat qui s’avère de plus en plus anxiogène et ce notamment à cause des contraintes qui encadrent la vie scolaire.

L’année dernière a déjà été dure mentalement et moralement pour les élèves comme pour Bastien : “Dans mon cas, je suis passé d’une situation de stress à passer mon premier examen à la frustration ! Quand tu entends tes proches te dire que ton bac ne vaut rien alors que tu n’y peux rien, tu perds forcément espoir et tu commences à douter de tes capacités. Maintenant j’ai des réelles craintes concernant les épreuves en présentiel, chose que je n’ai jamais eue”. 

Dans un rapport de l’Unesco publié il y a quelques jours et notamment repris lors d’une interview de Borhene Chakroun, directeur du département politique et apprentissage tout au long de la vie, l’agence spécialisée de l’ONU pointe du doigt ces conséquences. En effet, lorsque l’école se déplace à la maison, les parents sont parfois dans l’obligation de laisser les enfants seuls, ce qui augmente le niveau de stress et d’anxiété. Dans certains cas, cela “peut entraîner des comportements à risque, notamment accroître l’influence des pressions exercées par les pairs et la consommation de drogue”.

Les pédiatres et spécialistes de la santé de l’enfance ont eux aussi constaté, de manière générale, que les enfants, même les tout-petits, subissent durement les effets indirects de la pandémie de Covid-19. Pour Marie-Pierre Le Faucheur, psychologue clinicienne, la fermeture des écoles entraîne sur le long terme une “dégradation” de la santé des apprenants. Selon la spécialiste, un des impacts principaux de ces fermetures “serait de révéler ou d’accentuer les troubles d’enfants déjà fragilisés par des situations sociales aux pathologies phobiques”. En effet, l’école, au-delà d’être un lieu d’apprentissage, est un endroit où se font les rencontres, ce qui participe grandement à une forme de socialisation : “Rencontres avec des inconnus, situations où il faut s’affirmer ; accomplissement d’activités quotidiennes sous le regard d’autrui…”, cite la psychologue. La santé mentale des jeunes risque donc d’être touchée et, à cette heure, personne ne peut affirmer quels impacts cela aura sur l’avenir. 

Les conséquences vont être lourdes et le sont parfois déjà, comme le rappelle Marie-Pierre Le Faucheur, spécialisée dans les situations avec des enfants handicapés. “Les plus jeunes manifestent la peur de cette situation par des crises d’angoisse ou de colère. D’autres restent à l’écart ou en retrait. Certains ne sont jamais retournés à l’école à la suite du confinement de mars 2020 car ils ont développé une phobie scolaire qui les dépasse. Les jeunes développent des pertes de concentration et des symptômes dépressifs voire même suicidaires.” Le nombre de passages aux urgences pour tentatives de suicides chez les enfants de moins de 15 ans auraient en effet augmenté durant l’année 2020, suite au premier confinement, selon des chiffres de Santé Publique France. 

L’école est aussi un lieu d’écoute et de parole. L’enfermement des enfants dans leur famille peut être néfaste quand leur sécurité est menacée. De ce fait, depuis l’année dernière il existe un rebond de tensions mais surtout de violences intrafamiliales, qui s’accentuent, lors de la fermeture des écoles. Des chiffres qui ont augmenté de manière exponentielle lors des deux premiers confinements : de quoi s’inquiéter et mettre en garde pour les semaines à venir.

Ornella Gache et Jade Sauvée



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