Plateformes de streaming : la course aux abonnements

Aujourd’hui, les plateformes de streaming vidéo sont nombreuses, présentes dans énormément de foyers et font partie intégrante du quotidien. Désormais, une lutte fait rage entre les différentes plateformes pour être leader du marché. Lumière sur la naissance du streaming, la multiplication des plateformes et leur stratégie de différenciation.

La naissance du streaming et sa démocratisation n’est que très récente. L’émergence d’Internet et son développement depuis plusieurs années a permis l’explosion de ce nouveau modèle de consommation. D’abord utilisé pour la retransmission d’événements sportifs, il s’est ensuite étendu à d’autres contenus, cinématographiques notamment, ce qui a révolutionné l’industrie. Désormais, de nombreuses marques se sont emparées de ce marché du streaming vidéo et font tout pour se distinguer de leurs concurrents afin d’attirer de nouveaux abonnés et devenir le leader de ce secteur. 

Netflix, le pionnier

Aux Etats-Unis, la firme est créée en 1997 par Reed Hastings et propose de la location et l’achat de DVD livrés à domicile. C’est en 2007 que Netflix devient une plateforme de streaming. En France, l’arrivée de Netflix aura été tardive. Il faut attendre septembre 2014 pour voir la marque s’introduire dans le pays. 

Netflix, plateforme qui a démocratisé le streaming dans le monde entier.

Netflix, plateforme qui a démocratisé le streaming dans le monde entier.

Depuis, la firme a fait énormément de chemin. Propulsée sur le devant de la scène par des succès comme House Of Cards, Narcos ou Orange is the New Black, la plateforme séduit et voit ses abonnés augmenter. Au fil du temps, la firme se singularise par un vaste catalogue (plus de 2 500 films et 1 300 séries en France en 2019), une multiplication des catégories, l’acquisition de films primés, des séries au succès planétaire (Casa de Papel, Peaky Blinders, Vikings…)

Mais elle se distingue également par ses créations originales, l’un de ses gros points forts. Ainsi, des séries produites par la plateforme ont atteint des millions de visionnages à travers le monde. C’est le cas de Sex Education (40 millions), Le Jeu de la Dame (62 millions), Lupin (70 millions) ou encore La Chronique des Bridgerton (82 millions).

Côté films, elle n’est pas en reste puisque des créations comme Mank de David Fincher, The IrishMan de Martin Scorcese ou encore Malcolm & Marie avec Zendaya ont forgé l’identité de Netflix et sa capacité à séduire un public large, du simple amateur de divertissement au cinéphile aguerri. 

Cette palette de plus en plus complète a conduit Netflix à être nominé pour de grandes cérémonies de cinéma, une situation qui divise les professionnels du milieu. Lors du festival de Cannes 2017, Okja, du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, a été accueilli sous les huées des invités et la défiance du maître de cérémonie Pedro Almodovar. 

Néanmoins, la présence de Netflix s’est démocratisée. Pour les Oscars 2021, qui auront lieu le 25 avril, Netflix est de la partie. Au total, la plateforme peut revendiquer  35 nominations, dont certaines dans des catégories majeures. C’est le cas pour Mank, nommé à dix reprises pour celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Les Sept de Chicago, film également exclusif à Netflix, est nommé dans six catégories. Obtenir une statuette serait le symbole de la consécration pour Netflix et représenterait sa domination sur le marché du streaming vidéo. 

Deux mastodontes du marché

Le milieu du streaming vidéo est très concurrentiel et Netflix en est le leader avec 203,7 millions d’abonnés. La plateforme a su conquérir 37 millions de nouveaux utilisateurs en 2020, dont 80% en dehors de l’Amérique du Nord. Mais Netflix ne s’arrête pas là car son chiffre d’affaires s’est amélioré en 2020. Avec une augmentation de 24% par rapport à 2019, soit 25 milliards de dollars, le géant du streaming peut désormais s’autofinancer. 

Mais Disney+ ne reste pas loin derrière. En l’espace de 15 mois seulement, l’entreprise a convaincu 94,6 millions d’abonnés dans le monde, objectif qu’elle ne pensait atteindre qu’en 2024. Un chiffre que Netflix a mis cinq ans à obtenir, avec 89,1 millions d’abonnés en 2016. Il faut toutefois nuancer ces résultats car Disney+ prend également en compte les abonnements liés à des services tiers, comme celui de Canal+. Maintenant, la grande firme espère atteindre entre 230 et 260 millions d’abonnés d’ici trois ans. 

Aux côtés de Disney+ se place Amazon Prime. Bien qu’ayant, concrètement, plus d’abonnés que Disney+ (150 millions dans le monde), il est difficile de dire si cela est véritablement dû au service de VOD. Car Amazon Prime est avant tout choisi pour ses avantages de livraison. Le service de vidéos intégré reste une option, encore peu développée et utilisée (la société de Jeff Bezos n’a jamais communiqué le temps d’écran moyen d’Amazon Prime Video). 

De leurs côtés, Apple TV et Salto recensent peu d’abonnés. Le premier reste très discret sur son nombre d’utilisateurs mondial. Le second quant à lui n’en compte que 200 000 pour le moment. À noter tout de même que cette société française a obtenu, en l’espace d’un mois, le même nombre d’abonnés que Netflix à ses débuts en France. En effet, alors que ce dernier comptait 100 000 abonnés un mois après son lancement en France, Salto a réalisé la même performance entre octobre et novembre 2020. 

Des abonnements dûs au Covid-19

Bien sûr, la pandémie mondiale a largement contribué à la hausse des abonnements. L’impossibilité de se déplacer et d’aller au cinéma a poussé de nombreuses personnes à se mettre au streaming. Selon une étude de Médiamétrie, l’audience de ces plateformes a augmenté de 37% en un an. Entre mars et juillet, Disney+ est passé de 37 millions d’abonnés à presque 58 millions. Netflix a quant à lui obtenu 8,51 millions d’abonnés au dernier trimestre, période marquée par de nombreux confinements. 

Le graphique fourni par The Walt Disney Company permet de faire le point sur le nombre d’abonnés en un an. Source : The Walt Disney Company. 

Le graphique fourni par The Walt Disney Company permet de faire le point sur le nombre d’abonnés en un an. Source : The Walt Disney Company.

Aujourd’hui, la course aux abonnés se poursuit. Les industries du streaming n’hésitent pas à démultiplier les offres et à se marcher dessus. “C’est génial pour le monde entier que Disney et Netflix soient en compétition. Nous sommes à fond dans les dessins animés, nous allons essayer de les dépasser sur ce terrain, tout en gardant notre avance dans le divertissement en général. C’est très stimulant”, déclarait d’ailleurs Reed Hastings, directeur de Netflix. 

La guerre des contenus

Mais Netflix n’est pas la seule plateforme de streaming. Le succès de ce modèle a donné des idées à d’autres firmes. C’est le cas d’Amazon, qui a lancé en 2019 Amazon Prime Vidéo. Ce dernier propose des séries comme The Office ou The Big Bang Theory ou des séries originales comme The Boys ou American Gods. Le service se distingue sur ses concurrents via les documentaires. De nombreux clubs de football comme Manchester City, Tottenham ou encore le PSG sont en partenariat avec Amazon pour créer des documentaires inédits, permettant aux supporters de voir les coulisses et des images inédites de leurs joueurs préférés. En 2021 sortira également un documentaire retraçant le parcours du rappeur Orelsan pour séduire un public plus large. Preuve de son succès, Amazon Prime Vidéo a obtenu 12 nominations aux Oscars 2021 et talonne Netflix, ce qui montre sa volonté à long terme de dominer le milieu du streaming.

Après Amazon, un autre membre des GAFA est venu se greffer à cette bataille. Il s’agit d’Apple. Avec son service nommé AppleTV+, la pomme entend jouer les trouble-fête dans ce marché concurrentiel. Pour l’instant, cette plateforme connaît un démarrage moins tonitruant que ces concurrents, en raison d’un catalogue plus léger. Néanmoins, la plateforme peut se targuer de miser sur de la qualité. En effet, des films comme On The Rocks de Sofia Coppola, Cherry avec Tom Holland ou encore Palmer avec Justin Timberlake annoncent la volonté d’Apple de fournir des créations originales de bonne facture. 

Comme Amazon, un documentaire sur la chanteuse américaine Billie Eilish a été financé par Apple pour séduire un autre public. Quant à Disney+, la société s’est démarquée ces dernières semaines. Au début, elle ne proposait que cinq univers (Disney, Pixar, Marvel, Star Wars, National Geographic) et des films avant tout destinés aux enfants. Les abonnés faisaient rapidement le tour de la plateforme. D’autant plus qu’avec les lois françaises, les films proposés sont moins nombreux qu’à l’étranger. Il faut attendre 36 mois avant qu’un long métrage soit disponible en streaming. À l’heure actuelle, les fans de Marvel ou de Star Wars n’ont pas encore accès aux derniers Avengers (Infinity War, Endgame) ni au neuvième opus de la saga Jedi (L’Ascension de Skywalker).

Mais depuis le 23 février dernier, Disney+ a ajouté un nouvel univers, nommé Star, à destination des adultes. Ainsi, la plateforme a pu proposer de nouveaux films tels que l’intégralité de la saga Die Hard, Alien ou encore des classiques comme Titanic. De nombreuses séries sont aussi disponibles, comme Helstrom, mais aussi Big Sky ou encore Grey’s Anatomy et Buffy contre les vampires, ces deux dernières ayant choisi de quitter Amazon Prime Video. De quoi retenir les abonnés de la première heure et en attirer de nouveaux.

Disney+ joue également sur la production de contenus originaux, exclusivement réservés à sa plateforme, pour attirer d’autres abonnés. En effet, ces derniers mois sont arrivées les séries The Mandalorian mais aussi WandaVision ainsi que la série Falcon et le soldat de l’hiver. La plupart du temps, elles ont été créées sur des univers déjà existants, avec une base importante de fans. Difficile pour la firme de louper le coche en termes de nouveaux abonnés avec ces valeurs sûres. D’autant plus qu’elle promet encore beaucoup à ses fans. En effet, en juin prochain devrait également sortir la série Loki. Le casting de la série Obi-Wan Kenobi a quant à lui été dévoilé il y a quelques jours. 

Salto, l’exception à la française

Pour le moment, Salto reste peu connu malgré un assez bon démarrage en octobre dernier. Sa spécialité, proposer des séries et films français mais aussi les contenus diffusées sur les chaînes TF1, M6 et FranceTV comme les séries Station 19 ou S.W.A.T. Difficile donc de fidéliser le public lorsque la plupart des films et séries proposés par ce service ont déjà été diffusés sur des chaînes gratuites et accessibles à tous. D’autant plus que certains des contenus proposés, comme Buffy, Grey’s Anatomy ou encore Le Silence des agneaux, sont déjà accessibles sur des plateformes comme Disney+ et Amazon Prime Video. Le groupe devra donc faire plus original s’il veut véritablement se démarquer. Surtout que la plateforme existe depuis moins d’un an et voit déjà ses dirigeants changer. La mise en place de Salto sur la TNT lui permettra peut-être d’émerger prochainement et de faire sa place parmi les autres, tout du moins en France. 

La fin du cinéma traditionnel ?

La multiplication des plateformes de streaming conjuguées aux confinements pourraient avoir des effets néfastes sur le cinéma. Avec la Covid-19, la rentabilité des projets n’est plus garantie avec une sortie en salle. Par conséquent, de nombreux studios se tournent vers les plateformes pour diffuser leurs œuvres. C’est Warner Bros qui a ouvert la boîte de Pandore en déclarant le 3 décembre 2020 que toutes ses productions de 2021 sortiront aux États-Unis en même temps en salle et sur sa plateforme HBO Max. 

HBO Max, une sérieuse épine dans le pied des gérants de cinéma. Photo : L’info tout Court

HBO Max, une sérieuse épine dans le pied des gérants de cinéma. Photo : L’info tout Court

Si cette pratique se généralise, la situation deviendrait critique pour les cinémas et pourrait signer leur fin de vie. Néanmoins, pour Jules Amossé, directeur du cinéma Etoile Palace de Vichy, « il y aura toujours des gens pour venir au cinéma. L’expérience de la salle est unique avec le grand écran, le noir complet, un son inégalé, des conditions immersives.» Quoi qu’il en soit, les plateformes de streaming ont révolutionné le 7ème art. Reste à voir l’impact qu’elles auront sur les salles.

Charline Ragoua et Clément Canaux



Catégories :Plus Loin

Tags:,

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :