Conseil scientifique, ministère, Haute Autorité de Santé : pas moins de dix institutions interviennent dans les décisions, rendent des avis ou appliquent les politiques de santé en France. Depuis un an et l’arrivée du Covid-19, on entend leurs représentants, sans vraiment savoir “qui fait quoi”.

Le ministre de la Santé Olivier Véran et le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy ne sont que deux des nombreux décideurs sur la politique de santé en France. Source : Sciences&Avenir.
“C’est clair qu’il y a beaucoup d’acteurs qui interviennent, peut-être trop, et il faudra en tirer les conséquences après la crise”, déclarait le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon (Paris), sur le plateau de BFMTV le 5 janvier dernier. De l’aveu même de certains médecins, le système sanitaire français est trop complexe. Certaines entités conseillent, d’autres appliquent, elles sont parfois indépendantes, ou rattachées à l’État… On va tenter d’y voir plus clair !
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La Caisse Primaire d’Assurance maladie (CPAM)
La CPAM est sûrement l’acteur que vous connaissez le mieux, hormis votre médecin, parce que vous êtes en lien direct avec lui, par l’intermédiaire de ses bureaux ou du site Ameli. L’Assurance Maladie assure un rôle principalement administratif : elle gère tous les remboursements de soins par la Sécurité sociale et le suivi des services. La CPAM se charge aussi d’envoyer les rappels de dépistage (pour le cancer par exemple) et d’aider les personnes en difficulté sanitaire (maladies chroniques).
Sur le front du coronavirus, les caisses locales réalisent une partie du contact-tracing : les enquêteurs récupèrent le carnet de cas contacts établi par un médecin à la suite d’un test positif, puis les avertissent individuellement en leur présentant le protocole à respecter (isolement, tests…). Dans les cas de clusters (foyers de contamination), la CPAM passe le relai à l’Agence Régionale de Santé (voir ci-dessous).
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Le ministère, sa direction et son agence
Le ministère a évidemment un rôle central dans la politique de santé. Le ministre (Olivier Véran depuis février 2020) est entouré d’équipes permanentes qui dressent les grandes lignes à suivre (consignes d’organisation de crise par exemple) et gèrent les stocks d’État (comme les masques). La Direction Générale de la Santé (DGS), menée par Jérôme Salomon, assure la continuité de la gestion nationale, et prend des décisions en accord (normalement) avec le ministre.
Le directeur a récemment été pointé du doigt par la commission d’enquête parlementaire sur sa décision de ne pas renouveler une partie du stock de masques en 2018, sans en prévenir la ministre d’alors, Agnès Buzyn. Enfin, le ministère dispose de sa propre agence nationale de santé, chargée de la prévention et de la gestion des risques : Santé Publique France. Les spots télévisés rappelant les gestes barrières, c’est elle ! Il s’agit de la maison-mère des ARS.
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Les Agences Régionales de Santé (ARS)
Les ARS sont les relais locaux de la stratégie nationale. Elles doivent appliquer les consignes de Santé Publique France en tenant compte des spécificités de leur territoire : population, démographie, établissements et lits à disposition, niveau de circulation des virus… Elles peuvent également alerter les autorités nationales si elles constatent un problème majeur d’accès aux soins ou une flambée épidémique. À la mi-février, l’ARS Hauts-de-France s’était signalée devant l’inquiétante progression du variant anglais à Dunkerque.
Elles délivrent aussi les autorisations de construction puis d’ouverture de nouveaux établissements, et sont chargées d’effectuer des contrôles dans les hôpitaux et EHPAD, pour déceler des manquements aux règles d’hygiène ou des cas de maltraitance. Enfin, comme indiqué en début d’article, les agences régionales viennent en soutien de l’Assurance Maladie en cas d’importants foyers de contamination au COVID-19 (plus de trois cas sur un même lieu en moins d’une semaine).
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La Haute Autorité de Santé (HAS)
La HAS est l’une des institutions de conseil et de surveillance de santé en France. Détail important : elle est totalement indépendante de l’État et de ses différentes autorités. Elle délivre un certain nombre de certifications aux établissements et aux protocoles sanitaires, en s’appuyant sur un collège d’experts et des médecins de terrain, qui ont demandé et obtenu leur accréditation auprès de l’organisme. Elle promeut les bonnes pratiques cliniques et conseille les politiques publiques, sans que le gouvernement ne soit obligé de suivre les recommandations.
Depuis le début de la crise du Covid-19, la HAS a, par exemple, donné son feu vert à l’utilisation des tests PCR salivaires ou a conseillé de différer l’administration de la seconde dose de vaccin (choix que le ministère n’a finalement pas fait). Elle a aussi défini la stratégie vaccinale en France et le système de priorisation, sans délivrer de calendrier, tâche qui incombe à l’État. Sa présidente Dominique Le Guludec assume d’ailleurs ses choix, assurant que “l’ordre défini est le bon”.
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L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)
Indépendante également, l’ANSM est compétente sur la sécurité de tous les produits de santé, médicaments, vaccins… Elle est active sur l’ensemble de la filière du médicament : sa conception, les tests cliniques, le respect des consignes d’hygiène et du dosage lors de sa production, le suivi des effets indésirables et même la réglementation de la publicité. Contrairement à la HAS, elle ne rend pas des avis mais des autorisations – d’essais cliniques et de mise sur le marché.
Durant la première vague de l’épidémie en 2020, elle a autorisé plusieurs traitements à être expérimentés, comme l’hydroxychloroquine par exemple. Il arrive qu’une partie de ses missions soit traitée à l’échelle européenne par l’Agence Européenne des Médicaments (AEM). C’est le cas sur la vaccination contre le coronavirus, pour laquelle l’ANSM se charge uniquement du suivi des effets secondaires. Elle a d’ailleurs récemment signalé la multiplication des symptômes grippaux après l’injection du vaccin AstraZeneca chez plusieurs soignants.
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Le Haut Conseil de la Santé Publique
Les missions de ce Haut-conseil de la Santé Publique se rapprochent de celles de la Haute Autorité de Santé. Seulement, alors que la HAS est indépendante, ce conseil est lui directement rattaché au ministère de la Santé, bien qu’il soit autonome sur ses travaux et avis. Il rend régulièrement des états des lieux et des recommandations aux services ministériels pour l’aider dans ses prises de décision. Il contribue plus largement à “l’élaboration de la stratégie nationale de santé”, peut-on lire sur son site internet.
Il a ainsi indiqué, lors de l’arrivée massive des variants du COVID-19 à la mi-janvier, qu’il faudrait porter des masques de meilleure qualité. Le Haut-conseil de la Santé Publique peut aussi être saisi par le ministre, ou les différentes commissions à l’assemblée, sur une question précise pour recueillir son avis. Il faut savoir qu’il existe des dizaines de haut-conseils en France, rattachés aux différents ministères : pour le dialogue social au ministère du Travail, pour la stabilité financière à l’Économie…
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Le Conseil scientifique (Covid-19)
C’est le dernier acteur qui intervient sur les décisions sanitaires : le conseil scientifique est un collège d’experts, épidémiologistes et médecins, présidé par Jean-François Delfraissy, dont l’existence est temporaire. Sa composition et son travail évoluent en fonction des besoins du gouvernement. C’est pourquoi quatre nouveaux membres ont été nommés le 18 février dernier, pour étudier les conséquences psychologiques de la crise sur la population. Un conseil scientifique est donc formé par décret, à la demande du président de la République, dès que l’État d’urgence sanitaire est décidé. Le comité actuel a été officiellement mis en place le 11 mars 2020 par le ministre Olivier Véran. Le Code de la Santé Publique indique que “deux personnalités sont respectivement nommées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat” au sein de ce comité, qui travaille sur la crise du moment, jusqu’à la sortie de ce régime.
Le conseil doit rendre des avis (publics) sur la situation sanitaire et les décisions à prendre pour la contrer, sans aucun pouvoir de contrainte sur le gouvernement. Depuis le début de l’année 2021, il se fait d’ailleurs assez discret : le politique a repris la main sur le sanitaire, en atteste le “pari” de ne pas reconfiner le pays fin janvier, alors que les blouses blanches le demandaient. Sa mission semble proche de celles de la HAS et du Haut-conseil de la Santé, même si le conseil scientifique s’exprime aussi sur des grandes questions, comme l’ouverture des écoles ou le maintien du 1er tour des élections municipales en mars 2020.
Thomas Pinaroli et Dorian Marchand
Catégories :L'Evenement
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