Mercredi 20 janvier, Benjamin Stora a rendu un rapport que le président Emmanuel Macron lui a commandé en juillet dernier. Le but : conseiller le président sur la politique à mener concernant les mémoires de la guerre d’Algérie.

Le 24 juillet 2020, Emmanuel Macron a passé la commande d’un rapport concernant les mémoires de la guerre d’Algérie à Benjamin Stora. Photo : Elysée.fr
Presque 60 ans après les accords d’Évian qui ont mis fin à ce qui a longtemps été appelé les « événements d’Algérie » pour atténuer la violence du conflit, l’historien spécialiste de l’Algérie Benjamin Stora a rendu sa copie au président de la République. En demandant ce travail à l’universitaire franco-algérien, le but du président est clair : avancer sur la question des mémoires du conflit afin de favoriser l’unité de la population française sur cette question.
De l’étude du rapport, qui sera publié sous forme de livre en février prochain, des pistes claires ont été envisagées : l’Élysée a affirmé qu’il n’était question « ni [de] repentance ni [d’]excuses », mais bien d’«actes symboliques ». Emmanuel Macron qui, lorsqu’il était candidat en 2017, avait qualifié le conflit de « crime contre l’humanité », applique une fois encore sa stratégie du « en même temps ». Sans vouloir revenir sur ses paroles de candidat, il se contentera de participer l’année prochaine à plusieurs journées de commémoration à l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le président reste prudent : il s’arrête à la reconnaissance de la responsabilité française dans le conflit, comme il l’a fait en 2018 concernant l’assassinat en 1957 du militant indépendantiste Maurice Audin, sans aller jusqu’à demander pardon.
Un président réconciliateur ?
En s’attaquant au gros morceau que sont les mémoires de la guerre d’Algérie, le président marche en quelques sortes dans les pas d’un ancien locataire de l’Elysée, Jacques Chirac. Celui-ci était en effet connu pour son implication dans la question des mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Son discours du Vel d’Hiv, prononcé en 1995, soit 50 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, avait mis fin à un long déni français sur l’implication de l’État dans les déportations. Jacques Chirac est d’ailleurs l’inspiration non dissimulée du président sur la question mémorielle. En janvier 2020, revenant de Jérusalem, le président avait confié à des journalistes vouloir faire des mémoires de la guerre d’Algérie le défi mémoriel de son quinquennat. Selon Pascal Blanchard, historien spécialiste de la question coloniale, Emmanuel Macron s’inspire de Jacques Chirac mais préfère la méthode des petits pas à un grand discours, méthode qui ne pourra être menée à son terme que s’il est réélu.
2022 dans le viseur
Alors que le dernier sondage d’opinion Odoxa relate que 60 % des Français ne voient pas Emmanuel Macron comme un bon président, le chef de l’État est en quête de popularité. Le dossier des mémoires constitue un pari risqué pour le président. La question coloniale est, selon Pascal Blanchard, l’élément qui a donné la victoire au candidat Macron en 2017. Selon lui, sa déclaration sur la colonisation algérienne “est la déclaration de la campagne”. “Cette déclaration lui a fait perdre deux points dans les sondages d’une part mais lui en a fait gagner cinq de l’autre. Ces trois points gagnés sont ceux qui lui ont donné son avance sur François Fillon.”
Pour l’historien, la question coloniale est le dernier thème de gauche défendu par le président Macron, thème qui lui avait accordé en 2017 les faveurs de l’électorat de gauche, qui voyait là une prise de risque qui se différencie de la méthode socialiste. Pour Pascal Blanchard, Emmanuel Macron a compris l’enjeu que représente la question des mémoires de la colonisation, en témoigne le temps qu’il y a accordé durant son interview pour Brut en décembre dernier. Les élections présidentielles de 2022 arrivant à grand pas, le positionnement du chef de l’État sur la question sera donc déterminant.
Sofiane Orus Boudjema
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