Les premières annonces du gouvernement concernant la reprise des cérémonies religieuses ont provoqué la grogne de la communauté catholique. Entre sentiment d’injustice et réflexion plus globale sur l’interventionnisme de l’Etat, les croyants se sont fait entendre.

A l’intérieur de l’église Saint-Louis de Vichy, le 29 novembre, le père Molin affirme que la jauge des trente personnes est respectée. Photo : Sofiane Orus Boudjema
“Noël occupe une place à part dans nos vies et nos traditions […] nous autoriserons donc les déplacements pour cette soirée du 24 décembre”, a annoncé Jean Castex en conférence de presse, jeudi 10 décembre. Concernant les édifices religieux, l’exécutif a rendu sa décision : les jauges ne seront pas revues à la hausse pour les fêtes de fin d’année au vu de la situation sanitaire.
La décision inquiète une partie des catholiques. Yves Molin, prêtre de la paroisse Notre-Dame-des-Sources à Vichy, se confie : “D’habitude, l’église Saint-Louis est pleine à craquer pour la messe de Noël : il y a environ cinq cents personnes. On va peut-être essayer de proposer davantage de messes, mais ce n’est pas tenable sur le long terme.”
Depuis plusieurs semaines, les fidèles se mobilisent pour obtenir un assouplissement des règles. Dimanche 29 novembre, il n’y a pas foule sur le parvis de l’église Saint-Louis à Vichy. Sous un temps clair mais frais, quelques fidèles se sont rassemblés, comme d’autres ailleurs en France pour protester contre les restrictions annoncées par Emmanuel Macron. Une colère partagée par une grande partie de la communauté catholique, avec à leur tête, les évêques, qui n’ont pas manqué d’exprimer leur mécontentement.
Des mesures “irréalistes et inapplicables”
Le 24 novembre, Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place d’une jauge de trente personnes pour les lieux de culte. Le soir même, le Conseil des Évêques de France rédige un communiqué pour dénoncer ces mesures, jugées “irréalistes et inapplicables“. Intitulé “Trente personnes par célébration : les catholiques n’ont pas été entendus”, le texte explique la colère ressentie par les croyants.
#confinement Agir par tous moyens pour faire changer cette jauge absurde : ester en justice, continuer, malgré tout, de discuter avec l’exécutif… et aller à la messe malgré cette mesure aberrante. https://t.co/ccv2znBbr1
— Vincent Neymon (@VNeymon) November 27, 2020
Dès le lendemain, le Conseil des Evêques de France saisit le Conseil d’Etat. Quelques jours plus tard, l’instance juridique enjoint le gouvernement à changer les mesures, jugées disproportionnées et inadaptées à la réalité de la situation. La tension commence dès lors à baisser, les responsables de culte se déclarant satisfaits de la décision.
Les catholiques sont parvenus à se faire entendre, pour dénoncer ce qui constituait une injustice à leurs yeux. C’est d’abord une impression d’absurdité qui a été relevée par les représentants de l’Église et une bonne partie des croyants. “C’est injuste et ridicule, il faut faire appel au bon sens !”, s’insurge l’un des organisateurs de la manifestation de Vichy. “Pourquoi imposer une jauge de trente personnes dans des églises qui peuvent en accueillir des centaines ?”, ajoutait le père Yves Molin.
Le sentiment de ne pas avoir été écouté
Chez les représentants de l’Eglise, l’impression de ne pas avoir été écouté prédomine. “Le Conseil des Évêques a beaucoup dialogué avec le gouvernement avant les nouvelles annonces, mais le chiffre de trente personnes n’avait jamais été évoqué. Nous étions prêts à faire des compromis et à œuvrer pour le respect des mesures sanitaires”, détaille Yves Molin.

Malgré le dispositif prévu pour que les fidèles puissent suivre la messe de l’extérieur, ils sont tous entrés se réchauffer dans l’édifice. Photo: Sofiane Orus-Boudjema
Beaucoup de chrétiens ont vécu cette décision comme une négation de l’importance de leur foi et de leur besoin de se rassembler. Pour le prêtre vichyssois comme pour la majorité de la communauté religieuse, “les mesures semblaient injustes et privatives”.
A ce sentiment de privation s’ajoute une réflexion plus large, concernant l’interventionnisme de l’Etat. “Le gouvernement a imposé des règles précises concernant la façon dont devaient se dérouler les cérémonies religieuses. L’Etat a dépassé ses prérogatives en bridant les cultes”, analyse Yves Molin. “La frontière entre l’Eglise et l’Etat a été malmenée, nous étions inquiets pour notre liberté de culte.”
Des mesures satisfaisantes
Mercredi 2 décembre dans la soirée, le ministère de l’Intérieur annonce de nouvelles dispositions. La nouvelle règle est la suivante : un siège sur trois, une rangée sur deux. Pour les édifices plus petits, la jauge de trente personnes reste de mise. Ces annonces ont fini par satisfaire les deux camps: la CEF se dit satisfaite par celles-ci.
• 2 sièges libres entre chaque personne ou entité familiale
• une rangée sur 2 occupée.
La #CEF estime que cette mesure proportionnée à la capacité d’accueil des édifices, bien que contraignante, est applicable, pour 2 prochains dimanches de l’#Avent.
📣https://t.co/gG3s9gTbJd pic.twitter.com/8eEBnQlOEt— Église Catholique (@Eglisecatho) December 2, 2020
Alors qu’il ne reste qu’un week-end de l’avent et que la situation sanitaire ne semble pas s’améliorer en France, les catholiques s’apprêtent à vivre un Noël à effectif réduit.
Coline Cornuot, Justin Escalier, Sofiane Orus-Boudjema
Catégories :L'Evenement, Vichy
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