Près de 255 millions d’américains se sont rendus aux urnes, mardi 3 novembre 2020, pour choisir leur prochain président entre le républicain Donald Trump et le démocrate Joe Biden. Ce scrutin révèle un pays plus que jamais divisé. Récit d’une élection historique vue depuis la France.
“C’est la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle américaine du 3 novembre. Une élection historique, qui constituera un tournant dans l’histoire du pays. La campagne a été folle, surprenante, palpitante”, était-il écrit sur le site web de Franceinfo, quatre jours avant l’élection. En effet, déjà, les rédactions du monde entier se préparent et la couleur est clairement annoncée. “USA 2020, l’élection qui va changer le monde”, pouvait-t-on voir partout sur les antennes de France Télévisions plusieurs jours avant la date fatidique.
Des promesses de dispositifs inédits tout au long de la nuit nous tiennent en haleine avant même que tout ne commence. L’utilisation massive du vote par correspondance (plus de 100 millions contre 57 en 2016) mêlée à la défiance absolue que lui a toujours voué Donald Trump n’a fait que renforcer l’imprédictibilité de cette élection. Entre éditions spéciales et branle-bas de combat des chaînes d’informations en continu, le ton de cette soirée électorale a vite été donné.
Une soirée très attendue
Avec l’annonce d’une “vague bleue” (victoire large des démocrates) c’est donc avec confiance mais prudence (suite au traumatisme vécu par ces derniers lors de la défaite de 2016) que ces derniers abordaient cette élection. Promettant d’être un événement unique et immanquable, elle a tenu tout au long de la nuit toutes ses promesses de série à rebondissements.

Plus de deux semaines avant l’élection, les sondages annonçaient Biden largement gagnant. Comme en 2016, ils faisaient erreur. (AFP)
En France, à 20 heures, les rédactions s’animent. Les reportages et les débats des éditions spéciales laissent place petit à petit à l’analyse de la situation en direct. Vers minuit, certaines rumeurs commencent à circuler sur les réseaux sociaux, quelques informations tombent, quelques chiffres aussi. Et dans la nuit tout s’active : “Biden serait devant dans le Kentucky au bout de 10% des bulletins dépouillés”, “Trump est pour le moment devant en Floride” tweete Mediavenir en sourçant “médias américains”. Des informations que ne reprennent pas forcément les médias traditionnels comme Franceinfo, BFMTV ou Le Monde, focalisés sur les annonces de l’Associated Press ou de l’AFP. Très vite, tout s’enchaîne. La machine électorale américaine est en marche et emporte avec elle toutes les certitudes apparues quelques semaines auparavant. Les premiers bureaux de votes ferment et, instantanément, les premiers résultats tombent.
Il y a duel
Alors que les premiers États ferment l’intégralité de leurs bureaux de votes à 1h du matin (heure française), AFP USA annonce la victoire de Trump dans l’Etat de l’Indiana seulement trois minutes plus tard. Quasiment au même moment, le New York Times annonce la victoire du républicain dans le Kentucky et celle de Biden dans le Vermont. Au fur et à mesure que les résultats tombent, les visages s’assombrissent sur les plateaux télévisés français qui comprennent que la situation est bien plus alambiquée que prévue.
La “vague bleue” annoncée est encore une fois anéantie car Trump est bien là, au rendez-vous. Sans prendre de l’avance, il inquiète. Il ne perd pas d’Etat dans lequel il était favori et, alors même que Biden semblait en avoir repris la tête, il inverse la tendance en Floride. Chaque moment d’espoir permis aux démocrates est brisé par un retour à la réalité brutale. Que ce soit au Texas, en Floride, au Kansas ou dans l’Ohio, Biden a été devant, et Biden a perdu. Des revers inquiétants et qui font resurgir les vieux démons du passé. Vers 5 heures du matin, Biden possédait presque 100 grands électeurs d’avance sur Trump (209 à 112), 4 heures plus tard cet écart n’est plus que de 11 (224-213) alors qu’il faut atteindre la barre des 270 pour être élu.
Même s’il est annoncé en tête dans l’Arizona et le Nevada, Biden est derrière dans les projections et le scénario tant redouté commence à prendre forme. Si les votes s’arrêtent ici, Trump remportera assez d’Etats pour être réélu. Cependant il reste encore les votes par correspondance à dépouiller. Après un discours plein d’espoir de Biden, Trump annonce qu’il prendra la parole en direct de la maison blanche. Les scores sont serrés, l’avenir est plus que jamais imprédictible, et le monde entier retient son souffle. Il est 8h21, Trump arrive face aux caméras à la Maison Blanche et revendique sa victoire : “Franchement, nous avons gagné cette élection.” Il accuse alors les démocrates de tenter de voler l’élection.
“Un groupe de personnes très tristes tente de priver un autre groupe de personnes de son droit de vote, et nous ne le tolérerons pas.” – Donald Trump
Le président sortant assure qu’il ira saisir la justice si les résultats des Etats où il fait la course en tête changent : “Nous irons donc devant la Cour Suprême des Etats-Unis, nous voulons que tous les votes cessent. Nous ne voulons pas qu’ils trouvent des bulletins de vote à 4h du matin et qu’ils les ajoutent à la liste.” Il est 8h31 (à Washington DC), sa prise de parole est conclue par Mike Pence, le vice-président qui restera beaucoup plus mesuré dans ses propos en affirmant que “le droit de vote est au coeur de [la] démocratie” et qu’ils étaient “en bonne voie pour remporter cette élection.”
Et le temps passe…
Donald Trump ne se laissera pas faire et préfère aller en justice plutôt que d’admettre sa défaite si cette dernière venait à se confirmer. Tout le monde désormais anticipe la suite. Biden va forcément gagner du terrain grâce aux votes par correspondance, ce qui signifie que Trump passera à l’action. Alors même que le dépouillement est plus long qu’à l’accoutumé, cette élection prend un tournant encore plus historique. Elle risque de durer, bien plus que tout ce que l’on pourrait croire.
Les questions fusent sur les plateaux et dans l’esprit des gens : “Biden peut-il gagner ?” ; “Jusqu’où Trump est-il capable d’aller ?” ; “Quand saura-t-on qui est le nouveau président des Etats-Unis ?”, autant d’interrogations auxquelles personne ne peut répondre avec exactitude. Cette journée du 4 novembre va donc être marquée par un véritable suspens. Partout dans le monde, les médias essayent de prévoir ce qui va arriver. En France, la rengaine est la même : “Trump est imprévisible” entend-on sur BFMTV. Il n’existe pas de scénario parfait, ni de solutions évidentes, il faut laisser le temps passer et justement, celui-ci va faire son œuvre.

Le mercredi 4 novembre a connu bien des rebondissements suivis en direct par les Français, jusqu’à l’avantage décisif pris par Biden vers 22h30. Infographie : France Bleu
Selon l’AFP, Biden remporterait l’Arizona, ces résultats (non-officiels) porteraient le nombre de grands électeurs (GE) du démocrate à 235. Un quart d’heure plus tard, il est annoncé vainqueur de 3 GE dans l’Etat du Maine (238). Puis, tout bascule en fin d’après-midi. Alors qu’il était derrière Trump depuis le début, Biden remporte l’Etat du Wisconsin et passe à 248 GE. Trump rumine, et le fait savoir via son réseau social préféré, Twitter : “Ils trouvent des votes pour Biden partout – en Pennsylvanie, au Wisconsin et au Michigan. Tellement mauvais pour notre pays !”
Trump évoque des fraudes sans aucune preuve, de nombreux médias ont d’ailleurs relevé qu’il avait propage de nombreuses fake-news lors de ses discours. Mais il n’est pas au bout de ses peines. Alors qu’il était en tête, il va aussi perdre le Michigan vers 22h30. Biden passe donc à 264 GE (officiellement 253 car l’Arizona n’a pas encore validé les résultats). C’est trop pour le républicain qui avait déjà commencé à saisir la justice pour arrêter les dépouillements au Michigan et en Pennsylvanie. Les militants pro-Trump ne supportent pas non plus la situation et des protestations se font entendre dans certains bureaux de vote et notamment en Arizona où un dépouillement est suspendu sous la pression des militants. S’ils sont aussi inquiets, c’est car Biden n’a jamais été aussi proche de gagner. Il est en tête depuis le début au Nevada, état qui lui fournirait 6 GE en cas d’élection, ce qui lui ferait donc atteindre la fatidique barre des 270 GE. Mais il se rapproche également en Pennsylvanie et passe devant de quelques centaines de votes le 6 novembre en Géorgie (16 GE).
Trump sait pertinemment que le temps est le principal allié de Biden. Plus il passe, plus les votes par correspondance sont dépouillés et ces derniers avantagent les démocrates. La pression monte, l’étau se resserre. Les yeux se braquent sur les swing states, ces États comme la Pennsylvanie ou la Géorgie qui pourraient être aussi bien gagnés par le parti démocrate ou le parti républicain semblent avoir beaucoup de responsabilités entre leurs mains. C’est donc dans ces derniers que se joueront l’élection.
Le suspens prend fin
Quatre jours se sont écoulés depuis le 3 novembre et les Etats-Unis attendent toujours leur nouveau président. Alors que le monde reste suspendu au dépouillement des différents Etats, Donald Trump tweete à 16h36 (heure française) “I WON THIS ELECTION, BY A LOT!”. Sûr de lui et de sa victoire, le républicain va pourtant vite déchanter. Moins d’une heure plus tard, à 17h27 (heure française), le tremblement de terre se fait enfin ressentir, Joe Biden est officiellement déclaré élu par les médias américains 46eme président des Etats-Unis. La fin d’un suspens et le début d’un probable nouvel épisode de tensions et d’offensives judiciaires de Donald Trump.
Oman Al Yahyai et Arsène Gay
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