Vichy : le commerce local menacé par la fin de l’argent liquide ?

Carte bancaire, avec ou sans contact, applications mobiles : les modes de paiement évoluent vite, et on entend que les espèces ne seront bientôt qu’un lointain souvenir. Le liquide représente pourtant une part non-négligeable des entrées d’argent dans les commerces de proximité. À Vichy, certains redoutent son absence.

Marie Garraud, gérante du dernier kiosque presse du département, parc des Sources à Vichy, craint une fermeture en cas de disparition de l’argent liquide. PHOTO : Thomas PINAROLI.

Marie Garraud, gérante du dernier kiosque presse du département, parc des Sources à Vichy, craint une fermeture en cas de disparition de l’argent liquide. PHOTO : Thomas PINAROLI.

En triant les journaux, vendredi 9 octobre, Marie Garraud, la dernière propriétaire d’un kiosque de presse dans l’Allier, n’est pas bouleversée par la probable disparition des pièces de 1 et 2 centimes. Elle sent cependant que le liquide est proche de la fin. “Je refuse de prendre un TPE (Terminal de Paiement Électronique) car les coûts sont bien trop élevés par rapport à mon chiffre.” Encouragée par la crise sanitaire, la carte bancaire devient une norme. Dans une ville où le nombre de commerces est largement supérieur à la moyenne, ce changement pourrait avoir des conséquences.

Les espèces résistent dans les commerces de proximité

Au cœur de Vichy, les commerces de proximité s’inquiètent. “Les personnes âgées sont encore trop attachées aux pièces et aux billets”, affirme Shahik Molou de la boulangerie Firmin. Plus loin, au centre commercial Les Quatre Chemins, Arlette, 77 ans, trouve dérisoire de payer son pain ou son journal en carte bleue : “Il faut se mettre à la place de nos petits commerçants, en payant par carte bancaire, nous diminuons leur bénéfice.”

Ailleurs, certains commerçants refusent de croire à cette société sans cash. “La disparition des pièces et des billets, c’est un rêve utopique qui ferait le bonheur des banques”, sourient Christophe et Laurence Tesson, gérants de la papeterie L’Écritoire. Pour eux, le constat est clair : “un client sur deux nous paie en espèces.En revanche, un choix semble faire consensus chez commerçants et usagers : la suppression des “petites pièces”.

Des premières suppressions…

Si la Commission européenne envisage sérieusement d’abandonner les pièces de 1 et 2 centimes, c’est d’abord pour leur coût : 1,20 centime pour en fabriquer une ! Chaque citoyen en posséderait 181 et peine à les utiliser. Cet arbitrage, qui devrait être connu fin 2021, n’est pas neutre puisque l’on parle de la moitié des pièces en circulation.

Il est donc légitime pour les acteurs de s’interroger sur l’avenir des autres pièces et des billets, d’autant que les jeunes plébiscitent la carte voire les applications mobiles. Néanmoins, on constate dans les rues vichyssoises que les distributeurs automatiques – il y en a une vingtaine – sont encore sollicités. Nouvelle preuve, rassurante pour les commerçants, que les clients ne lâchent pas le liquide.

…et des interrogations

Face à cette possible dématérialisation des moyens de paiement, les vendeurs s’interrogent. Rue du Portugal, Victor Meunier gère une fromagerie familiale depuis près de 30 ans. Son commerce, beaucoup porté sur le vrac, facture souvent ses clients 1 ou 2 euros. Depuis le début de la crise sanitaire, le constat est sans équivoque pour ce fromager : “Les gens privilégient davantage la carte bleue, ils sont environ 70%. Actuellement, seuls 3 clients sur 10 me paient en espèces.” 

Victor Meunier, responsable de la fromagerie éponyme à Vichy, continue de manipuler le liquide, “30% des paiements” en 2020. Photo : Thomas Pinaroli

Victor Meunier, responsable de la fromagerie éponyme à Vichy, continue de manipuler le liquide, “30% des paiements” en 2020. Photo : Thomas Pinaroli

Victor Meunier détaille le fonctionnement des commissions prélevées, sur les paiements en carte bancaire : “Il existe deux sortes de commissions : la fixe, identique quelque soit le montant et indépendante des banques (0,3%), et la variable, un pourcentage décidé par chaque banque”. Des charges qui viennent s’ajouter aux lourdes taxes françaises, qui mangent une grande partie du chiffre d’affaire. “On avance un peu dans le flou, de plus en plus, nous sommes contraints d’accepter les paiements par carte, surtout dans le contexte actuel. Le frein, c’est cette commission fixe. Cela serait plus simple de créer une commission unique en pourcentage, et cela ne poserait plus aucun problème d’accepter ce moyen de paiement pour de faibles coûts.” 

Des commerçants découragés

Les commerçants surveillent de près ces évolutions et certains sont découragés face à ce monde sans espèces en puissance. “J’essaie de faire preuve de pédagogie avec les clients. Je leur explique la raison pour laquelle je refuse de prendre un TPE, certains comprennent, d’autres l’acceptent moins. Il y a des distributeurs à billets, à 50 mètres d’ici, je pense qu’il est encore possible d’acheter son journal avec de l’argent liquide”, soupire Marie-Christine Garraud, kiosquière à Vichy. Celle-ci n’exclut désormais plus une fermeture définitive : “Depuis le début de la crise sanitaire, c’est déjà très dur d’assurer l’équilibre économique”, glisse-t-elle.  

“Si la disparition du liquide est avérée, je refuse de travailler pour les banques, donc je fermerai” – Marie Garraud, kiosquière. 

Pour le moment, rien n’est réellement acté : la Suède, qui se préparait depuis plusieurs années à la disparition du liquide, semble même changer soudainement de direction. L’essor des nouvelles technologies et la crainte de nouvelles crises sanitaires, comme celle que nous traversons, ouvrent toutefois la voie à une dématérialisation des moyens de paiement. À l’heure actuelle et dans les règles en vigueur, cette société sans liquide serait difficilement abordable pour les commerces locaux.

Dorian Marchand et Thomas Pinaroli



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1 réponse

  1. Un très bon article, intéressant et qui fait bien le tour de la question. Merci pour le lien vers l’article des Echos.

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