Environnement : la voiture est-elle toujours indispensable à nos déplacements ?

Depuis quelques années, et surtout avec la crise du coronavirus, la tendance est à la mobilité douce et alternative. Pour autant, la voiture, qui a su se rendre indispensable, reste omniprésente et difficile à reléguer au second plan dans les déplacements du quotidien.

À l’occasion de la journée sans voiture, les cyclistes et les piétons profitent du centre-ville de Clermont-Ferrand. Photo : Coline Cornuot

À l’occasion de la journée sans voiture, les cyclistes et les piétons profitent du centre-ville de Clermont-Ferrand. Photo : Coline Cornuot

Enjeu à la fois politique, sanitaire et environnemental, la mobilité fait partie des questions cruciales auxquelles sont confrontées les collectivités. C’est dans ce contexte que la communauté d’agglomération clermontoise a organisé, dimanche 20 septembre, sa première journée sans voiture, « Libre comme l’air ». L’événement, qui s’inscrit dans le cadre de la semaine européenne de la mobilité, met en avant les mobilités douces et encourage les Clermontois à laisser leurs voitures de côté.

Des avis mitigés

« C’est une journée sympa, mais je ne suis pas convaincu que ça change vraiment quelque chose, c’est peut-être seulement une action de communication », s’interroge Bruno, habitant de Chamalières. Comme lui, beaucoup de Clermontois affichent un enthousiasme nuancé face à cette action. « Il faudrait aller plus loin pour marquer les esprits, d’autres villes ont déjà instauré une journée sans voiture tous les mois », regrette Arnaud, adepte du vélotaf.

Et les habitants de Clermont ne sont pas les seuls à critiquer les mesures prises par les collectivités. « Les politiques anti-voitures de certaines villes comme Paris, Bordeaux et Lyon sont agressives. Le résultat est contre-productif », reproche Yves Carra, porte-parole de l’Automobile Club. Selon lui, ces politiques désorganisent la circulation au lieu de la réguler et de l’optimiser. Mais il ne s’agit pas là du seul problème : certains ont besoin de la voiture pour pouvoir se déplacer. “Faire de la place dans les villes pour les vélos c’est bien, [sans que ce soit] mais il ne faut pas que cela pénalise les automobiles, ajoute-t-il.

Quelques milliers de personnes en France vous font croire qu’il faut se débarrasser de la voiture et qu’on peut vivre sans.  – Yves Carra, porte-parole de l’Automobile Club

Les mobilités alternatives en vogue

Avec les grèves successives, qui ont neutralisé les transports en commun et la circulation,  la prise de conscience collective qui a suivi le déconfinement et la vague verte dans les grandes villes aux municipales, les mobilités douces et alternatives sont en vogue. Et pour cause, les raisons de se passer de la voiture sont nombreuses. « Depuis environ cinq ans, il est de plus en plus difficile de circuler en ville : il y a trop de voitures », détaille Michel, ancien chauffeur de taxi à Clermont.

À cette circulation chaotique s’ajoute une prise de conscience écologique. En effet, les transports représentent 34% des émissions de gaz à effet de serre. Ils contribuent à 50% du bilan carbone moyen d’un français, ce qui les place en première position des sources d’émission de CO2. « En utilisant le tramway, mes déplacements sont beaucoup plus écolos », explique Léa, étudiante bordelaise.

Infographie : Ademe

Infographie : Ademe

D’un autre côté, les mobilités alternatives peuvent être aussi un moyen d’éviter les bouchons. « Tous les matins, je mets 50 minutes en voiture pour parcourir les 15 km qui me séparent de mon lieu de travail », déplore Sylvie, habitante de Malauzat pour qui la voiture est toujours un automatisme. En plus de ce gain de temps, ces mobilités présentent des avantages économiques. « Le bus est plus simple, je n’ai pas à trouver une place de parking ou un endroit pour poser mon vélo, et en tant qu’étudiante, j’ai droit à une grande réduction sur les prix », détaille Camille, étudiante clermontoise.

Sans compter que pour des personnes ne pouvant plus conduire, comme les seniors ou pour celles privées de permis, ces moyens de transport restent la dernière solution pour se déplacer. Quand pour certains il s’agit d’une nécessité, pour d’autres c’est avant tout un moyen de pratiquer une activité physique, dans des villes plus respirables et agréables. À Clermont-Ferrand, Stéphanie marche entre 30 min et 1h30 par jour : « Quand je travaille en centre-ville, je peux me rendre à mon travail à pied, ça me permet de me balader et de profiter. » 

Et avec les nouveaux engins de déplacements personnels, il y en a pour tous les goûts. « On parle beaucoup du vélo, mais ce n’est pas fait pour tout le monde. Avec les EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés) chacun peut se déplacer », assure Julien Cartoux, président d’eRiders.

J’ai vu des retraités rouler en gyroroue. – Julien Cartoux, président d’eRiders

Mais tous les territoires se sont-ils véritablement adaptés à ces pratiques ? Et est-il possible de se passer totalement de la voiture dans les déplacements du quotidien ? Dans le milieu rural, c’est difficile, voire impossible. « J’essaie de prendre ma voiture le moins possible, mais je ne peux pas m’en passer : il n’y a pas d’alternative satisfaisante », regrette Marc, habitant de la campagne haut-viennoise. Avec une offre limitée en transports en commun, des magasins ou services qui ne sont pas à proximité et un grand manque d’infrastructure sécurisante, la campagne ne peut pour l’instant pas se passer de voiture. « Il faudrait développer l’offre de TER dans les campagnes et proposer davantage d’horaires et d’arrêts de bus », précise Olivier, qui habite près de Châtellerault.

Des villes qui innovent

Si dans le milieu rural, c’est dans les faits quasiment impossible, dans le milieu urbain, qu’en est-il ? De prime abord, cela paraît beaucoup plus évident : pour des trajets courts le choix se porte sur les vélos, les trottinettes et pour les trajets plus longs sur les transports en commun. D’autant plus que, face à la prise de conscience citoyenne, les villes sont à présent nombreuses à œuvrer pour le développement de ces modes de déplacement. Vélos en libre-service, parking de covoiturage, pistes cyclables de plus en plus nombreuses. L’offre se diversifie pour que chacun trouve chaussure à son pied dans les déplacements quotidiens. Les nouvelles infrastructures permettent alors à de plus en plus de monde de choisir le moyen de transport le plus accessible et les trajets les plus sécurisants.

Depuis la fin du confinement, des pistes cyclables provisoires ont été mises en place dans plusieurs grandes villes, notamment à Paris. Carte  : Vélo Île de France

Depuis la fin du confinement, des pistes cyclables provisoires ont été mises en place dans plusieurs grandes villes, notamment à Paris. Carte  : Vélo Île de France

À Clermont-Ferrand par exemple, la municipalité porte un projet de schéma cyclable, qui permettra d’élargir considérablement le réseau de pistes cyclables dans et autour de la ville. Et face à la forte demande des Clermontois, le maire s’est engagé à ce que les travaux soient terminés avant la fin du mandat. À ce nouveau réseau s’ajoute aussi le développement du service C’vélo. Depuis deux ans maintenant, l’abonnement annuel est gratuit. « Le nombre de courses est passé d’entre 500 et 700 par jour à environ 3 000 courses par jour, souligne Jean-Philippe Pinot, chargé de communication pour le service C’vélo. Et de nouvelles stations sont envisagées pour l’année 2021. » Et les cyclistes ne sont pas les seuls concernés par ces changements. 

À Clermont, le tramway dessert sept arrêts toutes les 6 à 8 minutes. Un moyen de transport intéressant pour les plus pressés. Photo : Coline Cornuot

À Clermont, le tramway dessert sept arrêts toutes les 6 à 8 minutes. Un moyen de transport intéressant pour les plus pressés. Photo : Coline Cornuot

Du côté des transports, deux lignes de bus à haut niveau de service verront le jour dans les prochaines années et la municipalité « mène une réflexion pour reconstruire le réseau de transports en commun », affirme Nicolas Bonnet, 2ème adjoint à la mairie de Clermont. Mais la voiture n’est pas oubliée pour autant puisque le plan de circulation automobile de la ville sera revu dans les prochains mois, « ce qui permettra sur la partie la plus dense du centre-ville de réorganiser la circulation ».

« Il n’y a jamais assez d’équipements pour les vélos »

Mais si ces changements importants s’opèrent à l’échelle nationale, dans les faits, se passer de voiture n’est, là encore, pas si simple. Bien qu’ils se multiplient, les aménagements cyclables et piétonniers restent insuffisants, tout comme l’offre de transports en commun. « Il n’y a jamais assez d’équipements pour les vélos », souligne un bénévole du Gang des Dérailleurs, une association de promotion du vélo à Vichy. « Je fais la moitié de mon trajet pour me rendre de mon domicile à mon travail en piste cyclable sécurisé. Pour le reste, je dois passer par des espaces moins fréquentés pour ne pas me mettre en danger », déplore Arnaud, l’adepte du vélotaf. 

Du côté des transports, ceux-ci sont parfois trop peu accessibles d’un point de vue économique. « Le prix de l’abonnement à Paris est de 70 euros [plus précisément 75,20 euros] par mois quand on n’est pas étudiant. Certaines villes ont instauré la gratuité des transports publics. Il faudrait généraliser cette initiative », déclare Thomas, étudiant à Paris. Ces situations rendent difficile voir impossible l’abandon complet de la voiture. Et ce même dans un futur proche. « Les collectivités ne pourront pas déplacer toutes les personnes d’un point A à un point B quand ils le veulent, ça s’appelle la voiture, atteste Yves Carra, porte-parole de l’Automobile Club Association. Ça coûterait des milliards d’organiser quelque chose qui y ressemble. » 

Sans voiture, il y a moins de vie économique, moins de vie tout court et ça devient une ville visitable et non pas habitable – Yves Carra, porte-parole de l’Automobile Club Association

Dans nos déplacements quotidiens, la voiture est un excellent moyen pour relier les territoires et favoriser le lien social, selon Yves Carra. Et ce mode de transport est celui qui reste souvent le plus économe en terme de temps. « Il me faudrait au moins une heure en train pour me rendre à mon travail, alors qu’en voiture, je mets une demi-heure », témoigne Marc. « Avec l’étalement urbain à venir, la voiture deviendra de plus en plus indispensable pour les ruraux », souligne Yves Carra. « Il faut développer des offres de complémentarité entre les automobilistes et les mobilités alternatives. On ne peut pas empêcher ceux qui ont besoin de la voiture de l’utiliser », renchérit Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes. 

Covoiturage et autopartage comme solution ?

C’est dans cette optique que se développent de plus en plus les solutions alternatives comme le covoiturage et l’autopartage, qui permet de mutualiser les véhicules. Si elles ne mettent pas totalement la voiture de côté, ces solutions permettent d’en limiter l’utilisation. « Les avantages du covoiturage sont multiples. Économique et écologique, cette alternative favorise aussi le partage et la solidarité », s’enthousiasme une salariée de l’association Covoiturage Auvergne. Sans compter que cela permettrait de réduire considérablement les bouchons avec la mise à disposition d’aires de covoiturage ou de parking relais. Malgré tout, de ce côté-là aussi, les infrastructures font défaut. Trop peu nombreuses ou mal placées, elles n’encouragent pas les automobilistes à changer leurs habitudes.

Quelque soit l’alternative proposée, la voiture reste donc encore bien ancrée dans les mœurs. Et à tout point de vue, il paraît difficile de la rayer complètement de la liste des moyens de transport. Pourtant, au vu du contexte climatique, il devient urgent d’apprendre à s’en passer. « On ne changera pas les choses si à un moment donné la voiture ne devient pas un peu plus lente en terme de temps de transport et le vélo ou les transports en commun un peu plus rapides », répond Nicolas Bonnet à ceux qui craignent que le développement des mobilités alternatives handicape les automobilistes. Sur ce point, les différentes parties se rejoignent. « Il faut moins de voitures, c’est sûr, reconnaît Yves Carra, moins de voitures, mais mieux. »

Coline Cornuot et Camille Rouget



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