Vainqueur historique face à la gauche en 2014, Jean Albisetti, actuel maire de Gerzat, ne se représentera pas lors des élections municipales en mars prochain. Il revient avec L’Effervescent sur son parcours.

Photo : Morgan Kervestin.
Membre historique du RPR (Rassemblement pour la République), Jean Albisetti prend les commandes d’une mairie pour la première fois en 2014, à Gerzat. Une ascension tardive, après un riche parcours politique à droite. Pourtant, c’est avec une liste sans étiquette qu’il se présente aux élections municipales et qu’il dirigera la mairie pendant six années. Un succès inattendu, avec un fonctionnement particulier dont il nous livre les rouages.
L’Effervescent : Vainqueur des municipales en 2014 à l’âge de 75 ans, vous terminez votre premier mandat à la tête de la ville. Quel est votre parcours de maire récemment élu ?
Jean Albisetti : Il est vrai que je suis un jeune maire, mais je suis aussi un personnage âgé en politique. En effet, en 2014, il s’agissait de mon troisième mandat, après deux mandats comme conseiller municipal dans l’opposition en 1981 et 2007. Mon implication dans la politique remonte à 1978, en Corrèze, où j’ai suivi un homme auquel j’ai toujours été fidèle : Jacques Chirac. Je n’étais pas prédestiné à faire de la politique, mais l’ayant connu dans les années 70, j’ai choisi de m’engager derrière l’homme. C’est ce qui m’a valu un passage en Corrèze pendant les douze années du mandat de Jacques Chirac à la présidence [1995-2007], expliquant l’interruption entre mon premier mandat à Gerzat en 1981 et le second en 2007.
J’ai aussi passé onze ans au conseil national de l’information politique du RPR de l’époque. Une période durant laquelle j’ai même accueilli Brice Hortefeux, futur ministre de l’Intérieur, sur le département du Puy-de-Dôme en 1991 comme secrétaire départemental de la fédération RPR .
Un bagage politique important qui a joué dans votre position de tête de liste aux élections municipales de 2014 ?
Oui, bien sûr, mais après être revenu par la petite porte de Corrèze en 2007. J’avais comme idée de me proposer pour être tête de liste en 2014, bien aidé par mon passé politique. Je dis bien politique mais pas de gestion, un domaine qui m’était, jusque-là, inconnu dans mon expérience politique et parce que je ne pouvais pas vraiment penser gagner. J’avais en face de moi trois listes de socialistes et de dissidents de la gauche, dans une ville symbole de la gauche dans le Puy-de-Dôme, où 80% des habitants avaient voté Hollande en 2012 [en réalité 64 %].
En 2014, vous obtenez une victoire historique dans une ville bastion de la gauche depuis la Libération. Quelles ont été les origines de ce succès inattendu ?
Dans un premier temps, on a gagné parce que, cette fois-ci, la gauche n’a pas réussi à se mettre d’accord pour le deuxième tour. Les dissensions étaient tellement visibles alors qu’avant, même avec des listes de dissidents, la gauche se regroupait toujours au second tour pour nous barrer la route. Puis, en 2014, on a été des précurseurs en étant une liste apolitique et d’intérêt général, sans investiture.
Tout le monde savait qui j’étais, mais la liste était saupoudrée de gens de tous les horizons politique.
On a été les précurseurs parce que maintenant, à part dans les grandes villes comme Clermont-Ferrand, il y a très peu de commune et de villes moyennes qui revendiquent l’étiquette d’un parti politique. Proposer une liste sans étiquette, sans investiture, est idéal pour la démocratie locale, parce que, quand on veut faire carrière, d’habitude, il faut l’investiture du parti. Pour une ville comme Gerzat cela fonctionne, car on choisit surtout la personne, sans suivre de tendance politique.
Sans expérience de gestion et sans le soutien d’un parti, comment avez-vous organisé la mairie sous votre mandat ?
Je vous avoue que, passé la célébration, je n’ai pas dormi tranquillement pendant une quinzaine de jours. Je me suis dit : “Attention, maintenant, tu es de l’autre côté de la barrière et avec des gens qui ne connaissent pratiquement rien à la politique.” Il y avait juste deux ou trois membres de la liste qui avaient fait un mandat dans l’opposition et il n’y avait pas eu de recrutement. Mais dans une ville de 10 000 habitants, il y avait tout de même 278 bulletins de salaire, une vraie entreprise !
Ce n’était pas facile d’assumer cela sans expérience, mais j’ai eu une chance énorme, celle d’avoir un DGS [Directeur général des services] déjà en place avant mon arrivée et qui s’est tout de suite mis à notre service. Peu importe ses opinions politiques, il s’est montré très utile dans les premiers jours où ça va très vite, avec le budget à voter dans les quinze jours en prenant des positions qui vous engagent au moins pour la première année.
Dans une mairie historiquement ancrée à gauche, comment se faisait le processus de décision pour parvenir à une solution commune, malgré votre tendance de droite ?
C’est un système de gouvernance un peu particulier qui m’a qui m’a beaucoup aidé pour avoir le soutien de mes élus et aussi des agents. Avoir fait beaucoup de politique m’a grandement apporté, notamment au conseil national du parti [RPR] où je suis resté pendant onze ans. C’est là que j’ai eu de bons professeurs comme Charles Pasqua ou Alain Juppé pour organiser une gouvernance.
J’ai donc constitué un exécutif avec neuf adjoints et sept conseillers délégués qui travaillaient en binôme avec les adjoints. Le but était de ne pas faire les mêmes erreurs que mes prédécesseurs qui, arrivés en Conseil municipal, s’entre-déchiraient entre eux pour décider. Nous, on réunissait l’exécutif quasiment tous les lundis pour débattre et décider afin d’arriver au Conseil municipal pour voter comme un seul homme ou une seule femme.
Pour les prochaines élections municipales en mars, vous soutenez une liste où vous êtes en dernière position. Pourquoi est-ce aussi important pour vous d’assurer une continuité ?
Si je suis le dernier sur la liste, c’est pour soutenir et cautionner cette liste [“Vivons Gerzat” de Serge Pichot] qui va gérer, si elle est élue, de la façon dont je l’ai fait. C’est aussi une liste sans étiquette, qui n’est pas une liste de partisans ou de courtisans.
Ainsi, j’espère une continuité avec mon mode de gestion afin de montrer que les mauvais ne sont pas tous d’un côté ni les bons tous de l’autre. À Gerzat comme ailleurs, il y a des bons et des mauvais et, quand on mélange les gens qui veulent travailler ensemble pour l’intérêt général, il ne faut pas différencier gauche ou droite. Seul l’intérêt commun compte. Ce sont mes convictions et c’est pour ça que je soutiens une tête de liste de sensibilité PS [Parti socialiste] pour le mois de mars prochain.
Que retenez-vous de votre mandat à deux mois de la fin en mars ?
A mon avis, être maire, c’est le plus beau des mandats. Parce que, directement, vous êtes en contact avec vos administrés et vous devenez leur maire et pas celui d’un parti ou d’une tendance politique. C’est le plus beau des mandats, car c’est celui auquel notre République se réfère toujours, même dans les plus petites communes de 100 habitants qui veulent garder l’esprit de territoire de la commune.
Par contre, il est vrai que la gestion des territoires au niveau de l’Europe est devenue compliquée. Avec la création des collectivités, les mairies ont perdu en pouvoir décisionnaire, même s’il y a bien sûr des intérêts communs à réaliser ce mariage de raison, avec la métropole de Clermont-Ferrand par exemple. L’autre point négatif est le budget, qui, sans m’attarder dessus, est de plus en plus restreint, comme pour toute collectivité.
Pour la suite, en tant que maire et élu qui a effectué trois mandats d’une durée totale de dix-huit ans, je pourrais endosser le rôle de maire honoraire, un titre honorifique. En tous cas, je suis très fier de cette fonction, je l’ai beaucoup appréciée et j’ai beaucoup aimé les gens, même ceux qui ne pensaient pas comme moi.
Propos recueillis par Morgan Kervestin et Sidney Malfroy
Catégories :Auvergne
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