L’historienne et chercheuse Annette Wieviorka sera samedi l’invitée du Centre International d’Etudes et de Recherches sur Vichy (CIERV). Entretien avec une historienne pour qui Histoire rime avec engagement.
Invitée à Vichy par le CIERV, l’historienne Annette Wieviorka spécialiste de la Shoah et de l’histoire des Juifs, tiendra, samedi 8 février, une conférence sur son dernier ouvrage Ils étaient Juifs, résistants et communistes. Publié en 1986 puis réédité en 2018, ce livre raconte l’histoire de résistants au parcours singulier, de Juifs communistes qui par volonté de résister se sont engagés dans la main d’œuvre immigrée. Fruit d’un travail d’exhumation d’archives et de documents non-accessibles au début des années 1980, l’ouvrage est un moyen pour l’historienne de donner une voix à des personnages auxquels Annette Wieviorka s’identifie.
L’Effervescent : Vous désignez les Juifs comme étant “les vôtres”, votre peuple. Comment faites vous la distinction entre votre travail d’historienne et votre appartenance à la communauté juive ?
Annette Wieviorka : C’est assez simple en réalité. J’éprouve une grande sympathie à l’égard de ces gens qui ont des origines similaires aux miennes. Tous sont Juifs, issus de familles modestes et immigrés, tout comme l’étaient mes parents. Mais éprouver de la sympathie n’empêche pas pour autant de conserver une distance et une rigueur de travail. Ma profession m’impose le respect de certaines règles déontologiques et je m’y plie volontiers. Il faut également garder à l’esprit que je suis née après-guerre. Je n’ai donc pas connu cette période durant laquelle les partisans de la FTP-MOI [Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée] œuvraient pour la résistance. Cette distance temporelle m’a permis de raconter avec la plus grande justesse possible ces pans de l’histoire des Juifs.
En tant qu’historienne, vous avez consacré votre œuvre à la préservation de la mémoire des Juifs. Avez-vous le sentiment que c’est un devoir qui vous a été inculqué au sein de votre famille ?
Je ne sais pas si l’on peut dire que cela m’a été inculqué, mais c’est quelque chose dont j’ai toujours eu conscience. J’ai deux frères, tous deux sont chercheurs, tout comme moi. Le premier, Michel Wieviorka, est sociologue et travaille sur des questions d’antisémitisme et de racisme. Le second, Olivier Wieviorka, est également historien et travaille sur la Seconde Guerre mondiale. On ne peut pas dire que l’on soit très éloignés de notre appartenance juive, c’est certain.
Vos ouvrages se concentrent sur la priorité du travail de mémoire. Pensez-vous que votre travail ait pu déranger certaines personnes ?
En tant qu’historienne, mon travail est d’interroger le passé. Lorsque l’on pose des questions, on s’expose au risque de gêner, de déranger. L’histoire est un chantier perpétuel et les grands événements historiques montrent qu’elle est une boucle et ne s’achève jamais. Il ne faut donc jamais cesser de s’interroger, au risque de déplaire parfois. Je m’estime tout de même chanceuse d’avoir mes ouvrages toujours disponibles à la vente, ça n’est pas quelque chose d’acquis. Mon livre est cependant mieux accueilli aujourd’hui qu’il a pu l’être dans les années 1980, lorsque je l’ai publié pour la première fois. Le Parti communiste était alors encore très puissant et les récits que je dépeignais n’étaient pas toujours conformes à l’image que le parti souhaitait renvoyer.
*Conférence, samedi 8 février, à 14 h 30, à la salle des fêtes de Vichy.
Propos recueillis par Louise Beda Akichi
Catégories :L'Evenement, Vichy
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