Le Sporting CP accueillait le Maritimo Funchal au Stade José Alvalade XXI, lundi 27 janvier, pour une courte victoire 1-0. Ironie du sort, c’est contre cette même équipe qu’il y a plus d’un an et demi le club lisboète sombrait dans une crise mêlant direction, joueurs et supporters. Actuellement en reportage au Portugal, L’Effervescent vous explique les tenants et les aboutissants de la période la plus noire de l’histoire du club centenaire.

“Désolé pour ne pas avoir été ceux dont vous aviez besoin. On veut juste que vous sachiez qu’on a essayé de l’être” ; “Le silence n’est pas notre langue”, des banderoles montrent le mécontentement des ultras. Photo : Adrien Michaud.
Encore une victoire sans saveur pour le Sporting CP, qui n’est pourtant pas si anodine. Dans un stade vide et une ambiance morose, le club a du mal à sortir la tête de l’eau. L’occasion de retracer une succession de rendez-vous manqués, dans un pays où le foot a des allures de religion. Une crise qui trouve ses fondements dans la saison 2017-2018, et qui est liée de très près à un homme : l’ancien président du club lisboète, Bruno de Carvalho.
Il est un véritable archétype du président-supporter. Il se montre régulièrement dur contre son équipe, s’exprimant parfois envers eux via Whatsapp. “Il est spécial dans sa manière de communiquer. Il fait souvent de grandes déclarations dans les médias qui ne sont pas tout le temps pertinentes”, raconte Paulo Faria, socio sportinguista qui n’a pas loupé un match à domicile depuis 2004.

Paulo Faria et Lina Fonseca étaient présents à domicile contre Maritimo. Photo : Adrien Michaud
Les déclarations limites de Bruno de Carvalho vont atteindre leur paroxysme le 5 avril 2018. Le Sporting vient de perdre le match aller du quart de finale de l’Europa League face au futur vainqueur de l’épreuve, l’Atlético Madrid. BdC (Bruno de Carvalho) s’en prend alors à plusieurs joueurs à travers un post Facebook. Une attaque directe, publique et virulente contre les joueurs, poussant ceux-ci à se montrer solidaires en publiant un message de défense sur chacun de leurs réseaux sociaux. Preuve d’un premier mal-être du côté des footballeurs.
Alcochete, théâtre de l’horreur
Contextualisons. Avant la dernière journée de championnat mi-mai 2018, les Leões sont idéalement placés pour prendre part à la prochaine Ligue des Champions. Seule condition, ne pas perdre contre le Maritimo Funchal pour assurer la deuxième place. Malheureusement rien ne se passe comme prévu et le Sporting s’incline dans les dernières minutes (1-2). Une non-qualification pour la C1 qui ravive rapidement les tensions du 5 avril.
Puis le jour suivant, l’impensable se produit. Le 15 mai 2018, un groupe d’une quarantaine de personnes, dont une majorité de supporters du club, envahissent Alcochete, le centre d’entraînement du Sporting. Les joueurs sont agressés et les installations dégradées. Bas Dost, l’attaquant du SCP finira à l’hôpital, le crâne ouvert. Un incident gravissime qui va pousser neuf joueurs à casser leur contrat, ces derniers invoquant une faute grave. “Pour nous socios de longue date, voir une frange des notres s’attaquer à l’équipe fut un vrai traumatisme”, raconte Lina Fonsca.

La Une de O Jogo, le 16 mai, suite à l’envahissement de l’Alcocheste. Photo : O Jogo
De plus, Bruno de Carvalho n’arrange rien puisqu’il minimisera la portée de l’incident et rejettera la faute grave invoquée. La goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les joueurs dégoûtés de ne pas être soutenus par la direction après un tel événement.
Départ acté
Preuve de la gravité de la situation, les résiliations de contrat s’enchaînent. Rui Patricio est le premier à franchir le pas en envoyant une lettre de 34 pages afin d’expliquer sa décision. L’emblématique gardien aux 468 matchs avec le Sporting CP est suivi par William Carvalho, Daniel Podence, Rodrigo Battaglia, Bas Dost, Ruben Ribeiro, Rafael Leão, Gelson Martins et Bruno Fernandes. Tous les piliers du club choisissent l’exil, désabusés par le climat qui règne chez les vert et blanc. Si les trois derniers cités reviendront sur leurs décisions, les autres joueurs choisiront de partir aux quatre coins de l’Europe.
Quant à BdC, les socios du Sporting voteront à 71,36% pour sa destitution. Une première pour le club, mais une suite logique car “le Sporting a une masse associative très engagée, très impliquée et dont l’identification au club est une donnée primordiale”, explique Serge Da Silva, supporter français inconditionnel du Sporting et chroniqueur sur Golaço TV. “Lorsque les ultras ont attaqué l’Académie, poursuit-il, cette identification aux valeurs du club a été affectée et a engendré tout le reste.” Ainsi, la destitution de De Carvalho, qui n’a pas su gérer l’événement, prend tout son sens.
Et maintenant ?
“Le Sporting a perdu plusieurs éléments importants de son effectif lors de la crise de l’été 2018. En ce sens, le club s’est vu handicapé d’un manque de joueurs de qualité, et d’un manque de ressources financières”, analyse Serge. En effet, les cadres sont partis “gratuitement”, ne ramenant aucune plus-value financière au club lisboète. A ce manque à gagner s’est rajouté un manque criant de talent puisque les cadres n’ont pu être remplacés. Ainsi, avec toute cette négativité, les résultats actuels ne suivent pas et l’ambiance dans le stade n’est pas au beau fixe.
Une gestion cataclysmique
Avec une gestion catastrophique de la saison, les résultats s’en ressentent aujourd’hui. Par exemple, Pedro Mendes, jeune joueur de U23 et meilleur buteur de son championnat, fait parler de lui. Au même moment, tous les attaquants sont blessés. “Logiquement, on ferait monter ce joueur en A pour dépanner étant donné qu’il est prometteur, explique le chroniqueur de Golaço TV, mais les dirigeants avaient oublié de l’inscrire au fichier de la ligue pour qu’il puisse jouer.” Conséquence : il n’a finalement été inscrit qu’à l’ouverture du mercato en janvier et n’a pas pu aider les professionnels.
À cela, s’ajoutent les difficultés financières. “Il y a donc urgence d’amener un projet dans ce club. Ce qui n’est actuellement absolument pas le cas”, ajoute Serge Da Silva. Heureusement, Bruno Fernandes vient d’être recruté pour plus de 55 millions d’euros par Manchester United. Avec ce transfert, l’espoir renaît pour le club comme le souligne le chroniqueur de Golaço TV : “Du point de vue des supporters, ce départ clos un cycle au Sporting et laisse derrière nous cet affreux moment qu’a été Alcochete et les résiliations.”
Adrien Michaud, Alexis Pfeiffer
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