“Clochards, trimards, vagabonds, marginaux, exclus, profiteurs, sans-abris, sans-logis, S.D.F…” Ils s’appellent Morgan, Bryan, Mathilde, Djé. Ils ont 19, 21, 22 et 25 ans. Dorment ou dormaient dans les rues de Vichy. Quatre visages, quatre personnalités, quatre histoires et pourtant un seul mot pour les cataloguer : S.D.F.

Dans les rues de Vichy, Djé mendie pour s’acheter à manger. Photo : Noémie Pitavin.
Depuis l’avenue Georges Clemenceau, en passant par la Poste jusqu’à la place Jean Epinat, les “sans-abris” font partie du paysage vichyssois. Amenés à les croiser tous les jours, savons-nous seulement de qui parle-t-on vraiment ? Présente sur le marché de Noël de Vichy, Mathilde, 22 ans, vendait, pendant les fêtes de Noël, ses réalisations artisanales. Mais, cette nuit, Mathilde a dormi dehors : “Je ne veux plus dormir dans la rue, j’aimerais voyager et pour ça, je sais que j’ai besoin d’argent.“ Baladée de familles en foyers d’accueil jusqu’à 15 ans, la jeune femme a rejoint la rue à l’âge de 17 ans, à cause d’une situation familiale restée complexe.
En France, un SDF sur quatre a, durant son enfance, été placé en famille d’accueil. Malgré sa double peine, Mathilde a le moral solide. “C’est vrai qu’il y a mieux mais ça va, je ne crève pas de faim non plus.” Après une tentative de réinsertion dans le système, avec le programme national de la garantie jeune, accompagnant ceux en situation de grande précarité vers l’emploi, Mathilde a pris conscience qu’elle avait les moyens de s’en sortir. Mais, “triste là-bas”, la jeune femme est revenue à la rue. Soutenue par son ami Morgan, 19 ans, ils ont depuis peu trouvé un squat avec de l’électricité. “Le propriétaire du bâtiment sait que nous sommes là et accepte notre présence. Cet endroit nous permet de nous remettre sur pied”, explique Mathilde. Les deux jeunes gens, suivis par une éducatrice de rue, se réintègrent peu à peu, à leur rythme. Tandis que Mathilde participe régulièrement à un atelier de travail du cuir, et souhaite suivre une formation de maraîchage, Morgan, lui, a fait de petites missions d’une semaine, comme repeindre un appartement.
“Une crise sociale”
Aide au logement, éducateur de rue, accompagnement professionnel, foyer des jeunes travailleurs…des aides sont mises en place à Vichy. Mais pourtant elles ne suffisent pas, ou du moins, pas dans toutes les situations. “Il s’agit d’une problématique sociale, confie à L’Effervescent Frédéric Aguilera, le maire de Vichy. Des logements sociaux nous en avons suffisamment dans la ville, environ 1 500, et nous faisons notre possible pour proposer des solutions à ceux ayant la volonté de réinsérer le système.” Pour le Maire, il ne faut pas généraliser, mais bien comprendre la complexité du problème.
Certains peuvent se retrouvent SDF à la suite d’une perte d’emploi, des impayés… dans une ville en pleine crise du logement. Pour d’autres, ce sont des parcours de vie rendant difficile “l’idée de suivre un parcours professionnel et de s’adapter aux contraintes de l’emploi”, précise-t-il. Ces deux situations n’expliquent pas toujours les raisons qui ont mené certains à se retrouver dehors. Bryan, anciennement à la rue, considère qu’il s’agissait de son choix. Parti du foyer des jeunes travailleurs de Vichy, et en désaccord avec les normes de la société, il a décidé de prendre son sac et de franchir la porte. “Je n’ai jamais mendié, j’ai toujours essayé de faire quelque chose, du diabolo ou des bracelets avec des opercules de canette par exemple.” Il est sorti de la rue par une prise de conscience personnelle au moment où il était prêt et en saisissant l’opportunité qui s’est présentée à lui.
Le rejet par tout un pan de la société
Dans la rue pendant 5 ans par concours de circonstances après avoir perdu son emploi, Djé a, depuis peu, fait la demande d’un logement social à Vichy. Logement qu’il s’est vu attribué. Son expérience de rue, il l’a vécu sous le regard de gens méprisants, apeurés ou compatissants. “Certains s’arrêtent et m’avouent qu’ils n’aimeraient pas être à ma place, d’autres m’agressent verbalement ou, tout simplement, changent de trottoir par peur.” Phénomène d’identification, crainte, ou aversion face à leur situation, c’est souvent la peur qui prend le pas sur l’empathie.
Au début des gens tapaient dans ma gamelle ou crachaient à côté de moi. Mais après, j’y suis devenue indifférente. – Mathilde.
Présent sur la chaussée, mais jugé à tort, le regard des gens influent sur la manière dont ceux côtoyant la rue au quotidien vivent leur situation. “Adopter des réactions virulentes envers les gens de la rue peut renforcer leur aversion pour la société et les faire se sentir d’avantage exclu, alors qu’ils pourraient vouloir se réinsérer dans le système”, souligne Bryan. Dans cette réalité sociale si complexe, quelle est notre responsabilité ? Que pouvons-nous faire ?
Leur offrir l’hospitalité ? “Certains m’invitent à venir chez eux, mais je refuse d’aller chez les gens”, explique Mathilde. La réponse à leurs maux ne se trouve peut-être pas là. Qu’ils aient perdu leur emploi, se soient retrouvés à la rue après un passage par une famille d’accueil ou fait à un moment le choix de la marginalité. Tous témoignent d’un désir de plus d’humanité et de respect envers les gens de la rue. “Un sourire, un bonjour, c’est suffisant. C’est assez pour égayer notre journée et nous donner confiance”, confie Djé. Jugement, mépris, regard désobligeant, insultes. Tous ces comportements ne font qu’amplifier leur sentiment de rejet.
Ils sont Morgan, Bryan, Mathilde et Djé : un présent, un parcours, un vécu différent. Remplies de qualités et de spécificités, il est impossible d’en faire une simple généralité, galvauder par des préjugés. Ils sont un soupçon d’humanité à partager.
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