Après Paris, Toulouse, Montpellier et tant d’autres, c’est maintenant au tour de Vichy de voir débarquer vélos et cyclistes aux sacs bleus.
Uber Eats s’apprête à faire ses grands débuts à Vichy. Après avoir conquis toutes les grandes villes françaises et avoir implanté son service de livraison de nourriture dans plus de 100 villes en France le tout en moins de 3 ans, Uber Eats louche désormais sur Vichy et devrait faire son arrivée dans la Reine des villes d’eau dans les semaines à venir.
La cité thermale sera la deuxième ville de l’Allier à accueillir la société. Après les difficultés rencontrées à Montluçon comme le rapportait La Montagne, l’implantation à Vichy devra montrer que l’entreprise a su tirer les leçons de ses erreurs. Alors Uber Eats, bénédiction ou cadeau empoisonné ? Les avis sont partagés.
Le messie tant attendu
Le plan de bataille semble réglé comme du papier à musique. “Ils viennent voir les grosses franchises comme Subway ou McDonald’s en premier, puis les pizzerias et les fast-foods genre kebabs puis enfin les petites brasseries qui peuvent faire à emporter”, détaille Nora Benyoub, gérante du Subway. La communication d’Uber Eats, contactée par L’Effervescent, refuse de livrer la moindre information estimant qu’il est trop tôt puisqu’ils “ne communiquent sur leur arrivée qu’une semaine en amont seulement”. Pourtant, il n’a pas fallu attendre d’annonce officielle pour que la rumeur se répande et que les vichyssois s’impatientent de pouvoir utiliser les services de l’entreprise américaine.
En effet, l’arrivée d’Uber Eats en ville est attendue comme le messie par une partie de la cité et notamment les étudiants qui sont de plus en plus nombreux à peupler celle-ci. La possibilité d’avoir une livraison à domicile est très alléchante et ils sont nombreux à vouloir se laisser tenter même s’ils n’avaient jamais utilisé Uber Eats auparavant, d’après un sondage réalisé par L’Effervescent au pôle universitaire sur un échantillon de plus de 200 personnes.

Si 63.4 % des étudiants interrogés n’ont jamais utilisé Uber Eats, plus de la moitié sont prêts à tester.
Pratique donc pour les consommateurs, mais aussi pour les restaurateurs à l’image d’Ali Ati, gérant du Mundo Food qui explique que “l’arrivée d’Uber Eats ne représente, selon moi, que des avantages pour les clients. De notre côté, c’est la possibilité de gagner beaucoup en visibilité et donc de gagner une nouvelle clientèle qui nous pousse à nous engager aux côtés d’Uber Eats”. Messaoudi Tarek, à la tête du restaurant Chicken Street, évoque “la possibilité de pouvoir livrer la journée”. Actuellement, avec son seul système de livraison, l’établissement ne peut livrer qu’en soirée.
“On recevait beaucoup d’appels, c’était frustrant, mais bientôt, on va pouvoir résoudre ce problème grâce à la plateforme.” – Messaoudi Tarek, restaurateur

Messaoudi Tarek, gérant du Chicken Street voit d’un bon oeil l’arrivée de la plateforme.
L’arrivée d’Uber Eats, c’est aussi la promesse de la création d’une douzaine de petits jobs de coursier qui peuvent paraître taillés pour les étudiants. Pour certains, cela semble être une aubaine comme pour Théo Audesson, coursier Uber à Montpellier : “Sincèrement, Uber Eats, c’est un moyen très efficace pour faire de l’argent rapidement. Au niveau de ma famille et mes amis, ma situation est bien vue, car il s’agit d’un travail comme un autre.”
“On est auto-entrepreneur et de ce fait, on organise notre travail comme bon nous semble.” – Théo Audesson, coursier Uber Eats
“A mes yeux, je trouve qu’on est bien rémunéré, tout dépend de la distance que tu effectues, les conditions météorologiques – par exemple, s’il pleut on a un bonus – et ton efficacité”, poursuit-il. Un bon job étudiant, selon lui, qui permet d’arrondir ses fins de mois et qui marche réellement dans les grandes villes avec beaucoup d’offres et de commandes.
“T’es payé une misère et tu peux crever dans l’indifférence la plus totale”
Une vie qui peut sembler idyllique voir utopique en comparaison du sort réservé aux coursiers Uber Eats si l’on sort de cette grosse ville qu’est Montpellier et que l’on s’abandonne dans des coins plus ruraux de l’Hexagone. “Ils ont beaucoup de mal à rendre ça viable, explique Tristan Morizot-Florentz, coursier Uber Eats. “A Saintes, je connais 4 ou 5 visages, mais ça ne va pas plus loin.” Bien loin des 60 à 300 coursiers qui parsèment les rues montpelliéraines. Pour le coursier de Charente-Maritime, la propagande de l’entreprise américaine cache la réalité d’un métier qui souffre d’une grande précarité.
“Ils n’ont aucune obligation sociale envers nous, on est des partenaires, pas des employés, relate Tristan, t’es payé une misère et tu peux crever dans l’indifférence la plus totale.” Évidemment, cette loi de la précarité s’étale à l’ensemble des coursiers, mais elle prend une dimension plus sournoise dans les villes moyennes. “Il y a un type qui est descendu de Paris pour recruter des coursiers, poursuit Tristan Morizot-Florentz, et je ne vais pas dire qu’ils m’ont promis la lune, mais en tout cas, ils ont été de très bons communicants”. Une offre d’emploi que le jeune homme décrit comme une “arnaque”.
Un sentiment qui n’est pas de bon augure pour la ville de Vichy qui compte, au même titre que Saintes, 25 000 habitants. Cette sensation est déjà perçue par certains restaurants vichyssois, à l’image du propriétaire l’Anisse kebab qui, perplexe, déclare que “la ville de Vichy n’est pas assez grande pour que cela soit intéressant”. “Les commerçants ont déjà quasiment tous leurs propres livreurs. Je ne sais pas si ce système va vraiment prendre.”
Coup de boost ou coup d’arrêt pour les restaurants vichyssois ?
Si Uber Eats peut être vu comme un coup de boost à la vie économique locale, certains ont peur de l’ombre qu’Uber Eats pourrait faire à leur affaire. C’est notamment le cas de Philippe Coin, co-gérant de l’Alexandrie, qui voit d’un très mauvais œil l’arrivée du géant Américain.
“J’ai vu pas mal de villes où Uber avait fait plus de mal que de bien aux commerces.” Inquiet, le propriétaire du restaurant de spécialités égyptiennes a peur qu’Uber Eats puisse priver les petites brasseries qui ne proposent pas forcément de plats à emporter. Les clients potentiels pourraient être tentés de se faire livrer grâce au nouveau service.

Le Palais Angkor fait figure de foyer de résistance vis-à-vis d’Uber Eats et ne compte pas se laisser impressionner.
Par ailleurs, d’autres restaurateurs ne se font pas d’illusions, la commission de 25% que prend Uber Eats implique mécaniquement une hausse des prix égale pour les consommateurs pour rester dans les marges. Une augmentation qui ne sera peut-être pas du goût de tous.
Pour autant, ce n’est pas le cas de tous les restaurateurs et certains n’hésitent pas à lancer “même pas peur” au géant Américain. C’est le cas du propriétaire du Palais Angkor, restaurant asiatique, qui n’hésite pas à affirmer : “Que le meilleur gagne !” S’il ne veut pas s’associer avec les livreurs d’Uber Eats, il ne craint pas pour autant pour l’avenir de son restaurant : “Ça fait 27 ans que je suis là, j’ai fidélisé ma clientèle à Vichy donc je ne pense pas que cela changera grand chose pour moi.”
Alexis Pfeiffer, Elias Muhlstein, Adrien Michaud, Matthias Haag
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